vendredi 28 décembre 2007

L'origine de l'empire du Japon (suite)

Depuis que le prince Shotoku a adopté le bouddhisme comme la religion d'Etat, le Japon a connu une floresence de la culture bouddhiste surtout à Nara. Le premier chef religieux à qui on peut attribuer le titre d'empereur est Monmu (règne 696-707). Nara fut la capitale pendant le huitième siècle, avant de transférer à Kyoto. Et Murakami (r.946-967) était le dernier chef religieux qui ait eu le titre de l'empereur (tenno) après sa mort pendant 900 ans. Les chefs religieux suivants n'avaient qu'un titre bouddhiste comme les autres en tant que personnes décédées.
Celui qui s'est fait donner cette appellation archaïque au dix-neuvième s'appelle Kokaku (r.1779-1817, mort en 1840). Il a succédé à Gomomozono, mort à l'âge de 22 ans. La famille de chef religieux n'avait plus d'enfants mâles, et la mère de Gomomozono, Gosakuramachi est la dernière femme dotée de pouvoir religieux en date.
Cependant, Araï Hakuseki (1657-1725), savant et politique, avait fondé une branche de famille impériale pour prévenir cette situation. Kokaku est un arrière-petit-fils du chef religieux Higashiyama (r.1687-1709). Kokaku a voulu fortifier le statut de sa famille, et il a fait ressusciter beaucoup de "traditions" disparues au haut moyen âge. Et il a choisi le shintoïsme comme sa première religion.
Il faut comprendre le contexte historique. Le dix-huitième siècle a connu un renouveau nationaliste, et il y avait des érudits comme Kamo-no Mabuchi (1697-1769) et Motoori Norinaga (1730-1801), qui avaient découvert la mythologie japonaise avant la rencontre avec la civilisation chinoise. Même si le Japon avait fermé ses frontières depuis le début du 17e siècle pour se mettre à l'abri de la christianisation par les Européens, les Japonais admiraient la Chine sans conditions comme le modèle de la culture, et ils ne croyaient pas qu'il y avait eu des corpus de leurs propres mythes avant la rencontre avec le continent. Mais ces savants "nationalistes" ont voulu démontrer que les Japonais avaient bien leur propre culture. Ces hommes de lettres "nationalistes" ont fait quelque chose qui me feraient penser à la fois à Martin Luther et à Nietzsche, et j'ai bien du respect pour eux.
Mais c'est Kokaku, issu d'une nouvelle branche de la famille de chef religieux, qui a pleinement profité de cette redécouverte par les érudits. Ses ancêtres s'étaient contentés de se donner le titre de bouddhiste après leur mort comme tous les communs pendant 900 ans, mais il a voulu récupérer le titre éminent de l'empereur (tenno). Il existe des senryu (petits poèmes satiriques ayant la même forme que le haïku) de l'époque qui s'étonnent de la réapparition inattendue de cette appellation désuète.
Auparavant, le shintoïsme était une croyance populaire accessoire du bouddhisme, mais Kokaku a renversé l'ordre. Désormais, c'est cet animisme qui est la première religion d'Etat. Kokaku a pu le faire grâce aux études méticuleuses des savants nationalistes (des "humanistes" au Japon?). Le shogunat de Tokugawa qui gardait le pouvoir depuis le début du 17e siècle s'affaiblissait à cause de famines répétées et de demandes des Occidentaux. pour une ouverture des frontières. Et le peuple déçu par le shogunat en appelait de plus en plus au nouvel empereur qui a choisi le shintoïsme. Il ne faut pas oublier que la religion de ces guerriers était le bouddhisme du courant zen.
C'est à l'occasion de sa mort en 1840 que Kokaku a eu le titre de l'empereur. Et l'an 1854 connaît l'ouverture des frontières. La "restitution" du pouvoir politique au chef religieux, désormais appelé l'empereur (tenno) sans surprendre personne, a été faite en 1867, après presque 700 ans de règne de samouraïs. L'empereur Meiji, qui s'est fait déclarer chef d'Etat, est l'arrière-petit-fils de Kokaku. C'est pour préparer son règne qu'on a fait clairement séparer le bouddhisme et le shintoïsme. (Les religieux shintoïstes vivaient souvent aux temples bouddhistes jusqu'en 1867.) Mais son règne était plutôt tempéré. C'est sous le règne de Showa, connu sous le nom de Hirohito, qu'est arrivée la folie.
Akihito, l'empereur actuel, est le septième empereur de la dynastie au plus, qui n'est nullement la plus ancienne du monde, mais une des plus récentes. Plus sérieusement, il n'est que le quatrième empereur depuis la "restitution".
Vous ne devez pas reprocher aux Japonais que vous connaissez s'ils n'ont jamais entendu parler de Kokaku. C'est ce qu'on apprend jamais aux écoles...

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mardi 25 décembre 2007

Les Japonais ne fêtent pas Noël

D'abord, je vous souhaite de joyeuses fêtes de fin d'année à vous tous, quoi que soit votre confession, croyants ou non croyants.

Non, les Japonais ne fêtent pas Noël, à moins qu'il s'agisse d'une campagne commerciale. La preuve est assez simple. Personne ne se dit ni "Joyeux Noël" ni "Bonnes fêtes" à cette période d'année. Par contre, on se dit (traduction approximative) "On est occupés", "Vous devez être occupé vous aussi". Ce qui veut dire qu'on prépare activement la festivité du nouvel an. Et la télé ne transmet même pas la bénédiction urbi et orbi au Japon, alors que le pape prononce bien la bénédiction également en japonais. Je suis désolé pour lui. Le 25 n'est pas chômé, mais le 23 est bien un jour férié. C'est l'anniversaire de l'empereur actuel.
Il est vrai que les Japonais fassent la décoration de Noël dans les quartiers commerçants des villes très grandes (il n'y a pas d'arbre de Noël, de caractère public, à Aomori que j'habite, une ville de 300.000 habitants tout de même), mais on enlève le sapin dès le matin du 25 décembre. L'arbre de Noël n'est qu'une grande publicité pour faire acheter des cadeaux pour les enfants.
On suppose que les Japonais ont commencé à imiter Noël, seulement pour cadeaux, depuis l'occupation américaine. Ils étaient très démunis après la Deuxième Guerre mondiale, et les Américains faisaient parade de leur richesse surtout à cette période d'année pour Noël. Les Japonais les ont enviés, et dès qu'il leur a été possible d'acheter des cadeaux aux enfants, ils ont été prompts à le faire. Ce nouveau comportement de consommateurs a été un symbole du développement économique des années 50-60.
Vous ne devez pas demander aux Japonais "Comment dit-on Joyeux Noël en japonais?", car vous serez déçu par la réponse. Ils vous répondent "Merry Christmas", puisqu'il s'agit d'une simple imitation des Américains, sauf pour les chrétiens qui représentent moins d'un pour cent de la population. (Le pape dit à urbi et orbi "Christmas omédéto", mais personne ne le dit en réalité). Il n'y a pas non plus de chansons de Noël. Et je me suis aperçu que, curieusement, la plupart des Japonais ne disent pas la vérité aux Français. Je veux dire qu'ils n'avouent pas franchement que ni une expression qui corresponde à Joyeux Noël ni des chansons de Noël n'existent pas en japonais. J'ai bien du mal à comprendre mes compatriotes. Je parle souvent de l'affabilité hypocrite des Japonais.
Une fois, j'ai entendu à la radio, RTL ou Europe 1, un quiz: "Les Japonais ne fêtent pas Noël, mais quelle fête célèbre-t-on le 24 décembre là-bas?" Bien que je sois un bon Japonais presque exemplaire, je ne connaissais pas la réponse, et j'en étais très curieux. Et la réponse fut "la fête des amants"... Mais quel imbécile aurait pu fournir cette réponse stupide?
Je vais donner l'explication. Pendant la période de la "bulle" économique des années 80-90, on a construit beaucoup d'hôtels sur le littoral de Tokyo. Et les étudiants passaient le nouvel an généralement chez leurs parents dans les provinces suivant les traditions. Comme la "bulle" était une folie, même les étudiants étaient assez aisés. L'hôtellerie n'a pu manquer de le remarquer, et elle en a profité. Elle a fait la promotion du genre: Désormais, passez la nuit romantique du 24 décembre dans une chambre d'hôtel. Et des étudiants ingénus, pour ne pas dire naïfs, ont été facilement abusés par cette campagne commerciale. Le comble du ridicule est qu'il y avait des étudiants mâles, n'ayant pas de succès auprès des filles, qui réservaient une chambre pour Noël prochain plusieurs mois avant, pour se donner la motivation d'en séduire une. On dit qu'il existe toujours des garçons de ce type. Il vaudrait mieux qu'ils mettent en cause leur sexisme... (Le problème est que les filles ne sont pas meilleures qu'eux. Les Japonaises ne sont pas du tout "fémistement éveillées", et j'ai l'impression qu'elles refusent elles-mêmes d'ouvrir les yeux. Il y a quelque chose de désespéré chez elles. Philippe Sollers (je garde toujours du respect pour lui, mais je ne peux nier qu'il était beaucoup mieux autrefois) a dit dans H: Le plus grand ennemi de la libération des femmes est les femmes.)
On ne peut donc pas parler de la fête des amants au Japon, et si c'est une fête, ce n'est qu'une fête de l'hôtellerie au littoral de la baie de Tokyo, qui regrette la "bulle" des années 80-90. Il y a quelque chose de triste là-dedans. Ah, oui. Noël est souvent quelque chose de triste, nan?
Ainsi, le Noël représente-t-il le pire du capitalisme au Japon. Comme un athée, je ne connais pas l'esprit de Noël, mais je pense que cette caricature est un peu trop exagérée.

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P.S. Le 1er janvier est la fête du nouvel an normalement. Mais traditionnellement, les femmes ne célèbrent que le "petit nouvel an" le 15 janvier, car ce sont elles qui préparent la grande festivité. Elles n'ont pas le temps de la fêter le jour même, affairées à servir les hommes. Je parle d'une tradition désormais désuète depuis quelques décennies, mais on garde la mentalité. Malheureusement.

vendredi 21 décembre 2007

L'origine de l'empire du Japon

Ce fut une question sur l'émission de Jean-Luc Reichmann. Le quantième empereur est l'empereur japonais actuel Akihito?
(Au fait, ça me fait toujours marrer d'entendre ces noms "imprononçables" de la bouche des Français. Ce que je veux dire par le mot "imprononçables": Ces noms de dieux vivants, Mutsuhito ou Hirohito, ne devaient pas être prononcés par leurs sujets avant la fin de la guerre du Pacifique, un peu comme le nom de Yahvé. C'était une lèse-majesté. Donc, il arrive que les abolitionnistes de l'empire les prononcent ostensiblement au Japon aujourd'hui. Le nom du prince actuel Naruhito était marqué sur les journaux français. Franchement, je ne savais pas comment il s'appelait. Laurent Ruquier a dit une fois à la radio que Hito était leur nom de famille, mais je ne sais pas s'il plaisantait ou non. Pour le nom de famille de l'empereur, il faut j'écrive un autre article.)
La réponse à cette question fut le 125e. Il est vrai que c'est marqué partout ainsi, même sur les encyclopédies qui ont l'air sérieux. Mais cela ne veut pas dire que cette réponse n'est pas polémique pour les Japonais, car elle suit sans réflexion sérieuse l'histoire "officielle" du Japon d'avant-guerre, qui prétend que la lignée familiale de l'empereur est ininterrompue depuis 660 avant Jésus-Christ.
Du moins sait-on désormais que les neuf premiers empereurs n'ont jamais existé. Ce sont des personnages mythiques. Les manuels d'histoire en tiennent compte généralement dorénavant, bien qu'il existe toujours des gens qui croient au mensonge.
Par exemple, le 11 février est un jour férié au Japon, qui commémore la fondation du pays par l'empereur Jinmu en -660. Les historiens critiquent le gouvernement, mais il leur répond par un sophisme incompréhensible: Ce jour férié ne s'appelle pas l'anniversaire de la fondation du pays, mais l'anniversaire de fondation du pays. En plus, beaucoup de jours féries qu'on fête aujourd'hui, comme le jour de la culture ou le jour du travail (le 23 novembre au Japon), correspondent curieusement à ceux d'avant-guerre qui avaient rapport avec l'empereur, mais le gouvernement prétend que ce n'est qu'un hasard...
On peut soupçonner plusieurs interruptions de dynastie dans l'histoire, mais la plus évidente est celle de l'époque de Deux Cours au quatorzième siècle.
Depuis la fin du douzième siècle, l'empereur n'avait plus de pouvoir politique, et c'était le shogun, le leader des samouraïs, qui était le chef d'Etat. Un empereur s'applant Godaïgo a voulu récupérer le pouvoir en profitant de la fragilité du shogunat, à qui un général ASHIKAGA Takaüji a donné la main. Mais celui-ci a trahi celui-là juste après le renversement du shogunat. Ashikaga lui-même a voulu prendre le siège du chef d'Etat, mais il lui fallait un empereur, chef religieux, qui lui accorde officiellement le pouvoir divin. Donc il a fait fabriqué une autre cour pour lui-même. Godaïgo a fui Kyoto (le nom voulant dire la Capitale) pour fonder une autre cour qui serait normalement authentique à Yoshino dans la péninsule de Kii (actuellement dans le département de Nara). Cette cour, authentique mais non légitime, va disparaître dans moins de cent ans.
L'empereur actuel est descendant de la cour fabriquée par Ashikaga. Au Japon "démocratique" après la Deuxième Guerre mondiale, est apparu un homme, soi-disant descendant de la cour authentique de Godaïgo, en prétendant qu'il serait l'empereur authentique, mais il a perdu son procès, victime du sophisme abracadabrant "L'empereur ne peut pas être soumis au procès". D'ailleurs, il avait été déjà dit que la cour de l'empereur Meiji, qui continue jusqu'à nos jours, était inauthentique déjà en 1911, par la déclaration de Meiji lui-même. L'hystérie nationaliste, qui a nié tout le rationalisme, n'a commencé que dans les années 1930... (à suivre)

P.S. J'ai donné l'an 702 comme la date de la naissance du pays du Japon, mais je précise que l'argument est fondé sur la découverte archéologique relativement récente de la fin des années 1980. En tout cas, même s'ils ne sont pas au courant de la nouvelle tendance de l'histoire du Japon, les Japonais sérieux doivent dire que le pays du Japon n'a été fondé qu'au haut moyen âge, à peu près du sixième siècle au huitème siècle.

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lundi 17 décembre 2007

Depuis quand le Japon existe-t-il?

Les gouvernements des pays asiatiques, qui ont été victimes de l'expansionnisme du Grand Empire du Japon à la première moitié du vingtième siècle, critiquent souvent les dirigeants japonais, en disant que ceux-ci refusent de reconnaître leurs atrocités pendant la guerre. Mais je dois dire que ce sont plutôt les Japonais qui seraient la première victime de cette attitude du gouvernement japonais, car ils sont obligés de rester dans l'ignorance de leur propre histoire. Le gouvernement impérial de la seconde moitié du dix-neuvième siècle a fabriqué une histoire pleine de mensonges, et on n'a pas rétabli la vraie histoire du Japon, même maintenant, pour les manuels d'histoire qu'on utilise aux écoles.
Première question importante. Depuis quand le Japon existe-t-il? La réponse est simple et assez claire. On peut dire que le pays du Japon n'existe que depuis 702 après Jésus-Christ. Non, ce n'est pas un pays tellement ancien. Mais qui connaît cette réponse? Demandez à un Japonais, si vous en connaissez un. Je parie qu'il ne la connaît pas. Au pire, il vous répondra que le Japon existe depuis la nuit des temps. S'il vous dit que ce nom puise son origine dans la lettre du prince Shotoku datant de 607, je peux vous dire que vous connaissez un bon Japonais. Mais le règne de ce prince se situe au berceau du pays. Il faut attendre encore presque cent ans pour que le pays porte diplomatiquement le nom du Japon (Nihon ou Nippon en japonais).
L'an 702 est la date où le gouvernement japonais a envoyé un messager auprès de l'impératrice chinoise Wu Zetian, avec une épître qui portait le nom du Japon dans laquelle il est précisé qu'il est dominé par l'empereur, appelé le roi auparavant. C'est avec cette lettre que le gouvernement japonais a déclaré auprès de la Chine que c'était désormais un empire appelé le Japon dont le nom avait été Yamato jusque là. Et puis, on a interrompu l'utilisation du titre d'empereur depuis la fin du dixième siècle jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle, parce que tous ceux appelés empereurs par l'histoire révisionniste étaient plus bouddhistes que shintoïstes pendant ces 900 ans. L'empereur moderne qui n'existe que depuis 150 ans est représenté comme le chef du shintoïsme. C'est pour cela que les gens ont inventé le mensonge qui prétendait que tous les chefs religieux au Japon étaient plus shintoïstes que bouddhistes. (En réalité, ces deux religions n'étaient pas clairement séparées jusqu'en 1868, le début du règne de l'empereur Meiji, autrement appelé Mutsuhito.)
Les Japonais ont presque inventé le révisionnisme. Dès la seconde moitié du dix-neuvième siècle, ils ont fabriqué une histoire du peuple japonais dont le seul centre est l'empereur depuis la fondation du monde. Mais ce ne sont que des mensonges qui ne pourraient tromper personne normalement. Il est curieux que même les Occidentaux nipponophiles y croient sans se poser trop de questions!
D'ailleurs, les Japonais ne connaissent même pas la date d'armistice de la guerre du Pacifique qui commence par l'attaque de Pearl Harbor. La date exacte est le 2 septembre 1945, mais on croit généralement que l'anniversaire de la fin de guerre est le 15 août. Mais ce n'est que le jour où l'empereur est apparu pour la première fois à la radio pour ordonner à ses sujets d'arrêter la guerre. La fin de guerre doit être un accord entre les pays, mais les Japonais ne le savent même pas.

P.S. Les études récentes veulent prouver que le prince Shotoku n'a jamais existé. Il sera probablement un personnage fictif (qui serait un autre nom donné à Soga-no Umako par hasard) dans quelques années.

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vendredi 14 décembre 2007

L'anniversaire du massacre de Nankin

Le 13 décembre était le 70e anniversaire du massacre à Nankin par l'armée japonaise. On aurait le droit de le comparer aux atrocités des nazis, mais je dois préciser qu'il existe une différence importante que ce massacre n'a pas été une tuerie froide par les fonctionnaires sous l'ordre de l'Etat. Par contre, ce fut un dérapage du grand nombre de soldats excités. On peut toujours supposer que ce dérapage a été cautionné par le gouvernement japonais, mais on ne peut pas les confondre au fond. Ce sont deux phénomènes distincts du fascisme du vingtième siècle. D'ailleurs, les Chinois qui vivaient dans leur pays envahi par les Japonais et les Allemands d'origine juive n'ont pas le même statut historico-sociologique. En tout cas, ça ne change pas grand'chose pour les personnes inhumainement violées et tuées.
Le Japon est un pays où les négationnistes n'ont pas besoin d'avoir honte. Il y aurait des Français qui nous envieraient. Le média ne parle presque pas ici au Japon de cette atrocité perpétrée par nous-mêmes. Je cite des articles sur cet anniversaire (en anglais).
Reevaluating the Rape of Nanjing
China recalls war massacre with sirens
China marks 70th anniversary of Nanking Massacre

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mardi 11 décembre 2007

Kunio - Internautes racistes au Japon

Le ministre de la Justice Kunio Hatoyama a fait exécuter trois condamnés à mort. Mais quelle est sa motivation? Depuis le début du nouveau gouvernement de Fukuda au mois de septembre, il disait qu'il voulait l'exécution "automatique" comme le tapis roulant. Je ne sais si cette comparaison est de lui-même ou de journalistes. Il ne voulait surtout pas signer le papier, alors que la signature du garde des sceaux est obligatoire pour l'exécution actuellement. Tout le monde a supposé que c'était à cause de sa lâcheté, sans le dire publiquement. Pour être journalistes politiques, il faut être ami-ami avec les politiciens au Japon. Ils sont trop polis pour dire ce qu'ils pensent. Ce ministre au petit coeur voulait montrer qu'il n'était pas lâche par ces exécutions. Oui, j'admets qu'il n'est pas lâche. C'est un homme ignoble et infâme pour avoir donné la mort pour son petit amour-propre.

Un site aux news qui s'appelle "News stupides" publie un article: En Corée du Sud, des ordinateurs des personnes qui ont téléchargé des logiciels de jeux Nintendo par le site P2P ont été contaminés par le virus. Certains parmi eux soupçonnent que c'est Nintendo qui l'y a mis exprès. Qu'est-ce que vous en pensez? Pour moi, leur réaction est compréhensible, tout en admettant que le téléchargement illégal n'est pas vraiment recommandé. Et quels sont les commentaires des internautes? Je ne pense pas que ce site soit un site particulièrement raciste, mais je pensais que c'était un site "fun". Son hôte de service "2ch" n'a pas bonne réputation, son patron est connu de ne jamais payer l'amende pour les incitations aux crimes par des internautes sur ses sites, mais le service a toujours une haute popularité. Et il est curieux que ce chef de service attire sur lui l'adulation des gens de l'informatique...
J'ai vu tous les commentaires qui ne sont pas moins nombreux que 500 pour ce fait divers. Et 100 pour cent, je répète, 100 pour cent des commentaires étaient de caractère plus ou moins raciste envers les Coréens. (Moi, je n'ai pas ajouté de commentaire, et je crois qu'il y a pas mal de gens comme moi.) "Les Coréen n'ont pas de cerveau." "Nintendo a eu tort d'avoir mis les pieds en Corée." "On ne doit pas vendre les produits japonais aux Coréens." "Je regrette pour Nintendo. Il fallait qu'ils prennent garde des Coréens." C'est carrément incroyable. Je sais que le racisme envers les Coréens est bien ancré dans la mentalité de certains Japonais, mais c'est trop. Cela n'a rien à voir avec l'adversité entre la France et l'Angleterre. Beaucoup pire que le racisme de certains Français envers les Maghrébins. Il est vrai que les Japonais ordinaires ne soient pas vraiment conscients que le racisme est honteux.
Je me souviens que certains de mes amis commençaient à dire qu'il ne fallait pas fréquenter un ami quand j'avais dix ans. Je ne savais pas pourquoi, et d'ailleurs je ne le voyais plus cause embrouilles d'enfants. Il m'a fallu plusieurs années pour comprendre que son patronyme soit d'origine coréenne. Les Japonais croient que les enfants sont ingénus et qu'ils disent la vérité. C'est le comble du ridicule pour moi, mais ce sont les enfants qui prononcent les allocutions aux cérémonies d'anniversaires des bombes atomiques ou de la bataille d'Okinawa. Mais en réalité, les enfants sont méchants et stupides comme ça.
Mais je précise que ce racisme envers les Coréens est beaucoup plus grave dans l'Ouest du Japon que dans ma région du Nord, où ce racisme est le moins senti dans le pays. Je pense que c'est parce que c'est une province délaissée par le développement économique après la Deuxième Guerre mondiale, pays des laissés-pour-compte. En plus, elle restait indépendante de facto du pouvoir central pendant très longtemps, probablement jusqu'à la fin du seizième siècle.
Tokyo a connu un grand séisme en 1923, et une rumeur s'est fait répandre que c'étaient les Coréens qui ont mis le feu pour aggraver la situation. Les autosurveillants ont commencé à faire le lynchage des Coréens. Ils ont demandé aux passagers de prononcer une phrase en japonais au hasard, et tué les gens avec l'accent coréen. Les gens de ma région ont été victimes de cette infamie, car notre accent ressemble à ceux des Coréens.
Mais en tout cas, je suis content que ma région Aomori est citée dans des brochures de certaines agences de voyage en Corée, comme un des dix meilleurs sites touristiques au monde. Je ne pense pas qu'ils connaissent cet épisode tragique dans l'histoire, on dit qu'ils apprécient seulement la nature de ma région, mais qu'importe. Il n'y a qu'eux qui aiment ma région, car le nom d'Aomori n'est qu'un objet de moquerie pour les Japonais, puisque c'est la région la plus pauvre au Japon. Ah, oui, c'est la mentalité des Japonais.

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samedi 8 décembre 2007

Drapeau et hymne japonais (suite)

J'ai été choqué par un jeu télévisé une fois en France. On demandait aux invités de citer les drapeaux avec une ou des étoiles. Quelqu'un a mentionné le drapeau japonais, mais on lui a refusé cette réponse en disant que le rond sur ce drapeau est rouge, alors que le soleil est jaune. Mais le soleil est bien rouge au Japon. Il ne faut pas imposer la culture occidentale aux autres. Par exemple, les feuilles sont "bleues" en japonais. La ville que j'habite s'appelle Aomori, qui veut dire la forêt bleue.
Sinon, je n'aime pas du tout ce drapeau japonais dont l'origine est assez ambiguë. Les Français croient que l'appellation l'Empire du Soleil Levant est poétique, mais en réalité, c'est un nom arrogant pour les Japonais. Vers la fin du sixième siècle, le prince Shotoku, le personnage fétiche de Monsieur Chirac, a envoyé une lettre à l'empereur chinois, qui commence par ces mots: "Du prince du pays au soleil levant au prince du pays au soleil couchant. Salut." C'est cette épître qui a déclaré l'indépendance du Japon par rapport à la Chine.
Le nom du pays du Japon a l'origine chinoise. En mandarin contemporain, le nom est Ripen, mais la prononciation du r chinois est assez proche du j. Le Japon, Nihon ou Nippon en japonais, est un nom diplomatique. L'ancien nom à l'intérieur du pays était auparavant Yamato, qui correspondrait un peu à la Gaule en France. Ce nom du Japon veut dire l'endroit où se lève le soleil. Mais un peu de réflexions évoquent le doute. Pour les Japonais, le soleil se lève-t-il dans leur pays? Mais bien sûr que non. Donc ce nom a été fait du point de vue des Chinois. On peut dire que ce drapeau avec le soleil rouge garde le complexe des Japonais envers les Chinois.
Certains Japonais qui continuent à vivre dans l'idéologie fasciste aiment dire que le Japon existe depuis la nuit des temps, mais en réalité, ce nom a été officiellement utilisé pour la première fois en 702 après Jésus-Christ, cent ans après la lettre du prince Shotoku. C'est également le début de l'empire, mais pas avant, car c'est à cette année que l'on a donné le nom de l'empereur au prince. Eh oui, le Japon n'est pas un pays tellement ancien...
Ensuite, quant à l'hymne Kimigayo (Ton règne), l'origine de la parole est beaucoup plus obscure.
Le texte est très court: "Que ton règne dure mille générations, huit mille générations, jusqu'à ce que les cailloux sur la plage forment une roche et que la mousse pousse dessus." L'interprétation du titre est assez difficile. Veut-il dire vraiment "Ton règne" ou "Le règne du prince"? Le "tu" et le "prince" sont homonymes en japonais. D'où vient ce texte d'ailleurs?
Apparemment, l'origine n'est pas tellement noble. Une hypothèse dit que c'était la parole d'une chanson des geishas. Donc, il ne s'agit pas forcément du prince, mais elles la chantaient pour leurs clients qui étaient souvent des commerçants riches. "Que tes commerces marchent aussi bien mille générations après..." Alors là, je n'aurais plus besoin de détester cet hymne que je croyais impérialiste...
Mais en tout cas, si vous connaissez des Japonais, il faut bien faire attention à leur idéologie. Ils gardent assez souvent l'idéologie d'histoire d'avant-guerre vraiment fantaisiste, à cause de l'éducation. C'est pour cela que je dis que le Japon est un pays du tiers monde dont un trait caractéristique est l'ignorance du peuple sur sa propre histoire.
P.S. J'ai mis un gadget de Google "Le saviez-vous" sur la page de mon iGoogle. Il y avait un article qui disait: "Saviez-vous que les geishas n'étaient pas des prostituées au Japon auparavant?" Je sais bien que les geishas ne l'ont jamais été... Le mot déjà désuet en français "mousmé" veut dire simplement "fille". Il n'y a aucune nuance suspecte en japonais.

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jeudi 6 décembre 2007

Drapeau et hymne japonais

Peut-être que vous ne le saviez pas, mais les drapeau et hymne japonais que vous connaissez ne sont officiels que depuis 1999. On continuait à les présenter aux compétitions sportives comme les JO, mais ce n'était que des conventions. Mais les conventions officieuses peuvent être obligatoires de facto au Japon où la sensibilité démocratique n'est pas bien développée.
S'ils n'ont pas été officialisés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à la fin du vingtième siècle, il y avait bien une raison. Le drapeau montre le soleil, le symbole de l'indépendance de l'empire du Japon par rapport à l'empire de Chine, et l'hymne est intitulé "Ton règne", où il est question du règne de l'empereur. Ils étaient de l'usage depuis la fin du dix-neuvième siècle, et ils portaient le traumatisme de la période de guerre pour les Japonais. Certains voulaient de nouveaux hymne et drapeau officiels, mais personne n'a osé les créer dans la situation où on continuait à les utiliser comme les symboles du pays. En plus, il y a des substituts officieux de la police, mafieux qu'on appelle yakuzas, qui n'hésitent pas à punir les traîtres d'Etat qui haïssent l'empereur, au lieu du pouvoir officiel. D'ailleurs, on a tendance à oublier le passé qu'on ne veut plus revoir, et les gens de droite ont besoin des symboles de la nation.
C'est un phénomène inconcevable en France, mais le ministère de l'éducation nationale a voulu depuis le début des années 1980 que ces drapeau et hymne nationaux d'avant-guerre, désormais nullement officiels, soient présents aux cérémonies dans toutes les écoles. Le syndicat des professeurs traditionnellement communiste, a levé la voix contre cette mesure absurde et extravagante.
Et puis au mois de mars 1999, un proviseur de lycée à Hiroshima s'est suicidé le matin de la cérémonie de la fin de l'année scolaire, où certains profs ne voulaient ni voir le drapeau sur la scène ni chanter l'hymne. On croit qu'il a été déchiré entre le sentiment nationaliste des parents et la demade orthodoxe de profs.
Après cet incident tragique, le parti libéral-démocrate éternellement au pouvoir a eu l'amabilité de diminuer la peine psychologique de proviseurs, et il a enfin officialisé le drapeau blanc et rouge et l'hymne national le plus lugubre du monde. Et je fais partie de 8 pour cent de la population japonaise qui n'aiment pas ces drapeau et hymne d'avant-guerre. C'est carrément étonnant de constater à quel point les Japonais actuels portent la mentalité nationaliste. (à suivre)