lundi 29 décembre 2008

Papillon, mon compagnon de route

 Une lectrice a trouvé un haïku de Masaoka Shiki, traduit en français, et m'a demandé si je ne connaissais pas la version originale. La traduction est comme ceci:
Au papillon je propose
D'être mon compagnon
De voyage.
 C'était facile de trouver le haïku original. Vous pouvez lire tous les haïkus de Shiki dont le sujet est le papillon sur ce site (japonais).
道づれは胡蝶をたのむ旅路哉 Michizuré-wa kochô-o tanomu tabiji-kana
 L'histoire peut finir là, mais je m'arrête pour réfléchir un peu sur la traduction. Elle n'est pas forcément incorrecte, mais insuffisante à mes yeux.
 Je pourrais modifier la version originale, pour qu'elle corresponde à cette traduction française.
道づれを胡蝶にたのむ旅路哉 Micizuré-o kochô-ni tanomu tabiji-kana
 Dans ce cas-là, ce petit poème veut dire "Ah! Mon voyage qui demande au papillon d'être mon compagnon". Mais cela ne peut être un haïku de Shiki. Les deux particules を (-o) et に (-ni) sont des enclitiques qui montrent le cas grammatical, et il n'y a aucune ambiguïté syntaxique. Le mode du verbe tanomu (demander) est l'adjectif verbal dans cette version modifiée, relié au nom tabiji (itinéraire).
 La similitude de l'indicatif et l'adjectif verbal ne pose généralement pas de problèmes d'interprétation. Si le verbe se situe immédiatement devant un nom, c'est l'adjectif verbal (走る男 hashiru otoko, l'homme qui court). S'il se trouve à la fin de la phrase, il s'agit de l'indicatif (男は走る otoko-wa hashiru, l'homme court).
 Mais pour ce haïku de Shiki, tanomu, qui se situe devant un substantif, ne peut être l'adjectif verbal. Cela constituerait une phrase absurde.
道づれは 胡蝶をたのむ旅路哉 Mon compagnon de route, c'est mon itinéraire qui demande le papillon.
 Le compagnon de route de Shiki ne peut être son itinéraire lui-même, mais le papillon. Par conséquent, il faut penser que le verbe tanomu est l'indicatif, est qu'il y a une césure nette après ce mot.
道づれは胡蝶をたのむ 旅路哉 Je me fie au papillon, mon compagnon de route. C'est mon voyage.
 L'acception moderne de ce verbe est "demander, proposer", mais je crois qu'on doit le comprendre dans le sens un peu ancien "se fier, suivre" (たよる tayoru en japonais moderne). On peut supposer une omission avant tabiji-kana, qui puisse relier la rupture.
 Et le génie de Shiki consiste bien dans cette ambiguïté syntaxique. Si on prenait le verbe tanomu comme l'adjectif verbal, le haïku ne voudrait rien dire, mais c'est ce que le lecteur ordinaire fait sans trop réfléchir à la syntaxe. Il ne s'aperçoit pas qu'il y a une césure après tanomu, et cette équivoque met en relief l'emploi du mot poétique kochô (papillon), qui est lié au rêve dans l'imaginaire populaire. 胡蝶の夢 kochô-no yumé, "le rêve du papillon" est l'histoire très connue de Zhuang Zi. (Je considère ici le verbe tanomu comme l'indicatif. C'est mon hypothèse, qui ne serait pas crédible par hasard.)
 Cependant, on peut croire que c'est un haïku d'un seul trait, sans aucune césure. Vous pouvez ajouter に (-ni) avant -wa pour clarifier le sens.
道づれ(に)は胡蝶をたのむ旅路哉
 Dans ce cas-là, l'adjectif verbal est possible à nouveau, mais j'ai l'impression que ce serait assez maladroit comme une composition de haïku. Je préfère garder l'équivoque de -wa, qui provoquerait une sorte d'anacoluthe, si le verbe était considéré comme l'adjectif verbal.
 J'ai bien dit que la traduction proposée n'était pas forcément incorrecte. C'est que le traducteur peut bien prendre la liberté afin que la traduction soit naturelle. De toute façon, la différence sémantique n'est pas trop sensible.

mercredi 17 décembre 2008

Les fleurs du poncirus

 Le compositeur ENDÔ Minoru est mort le 6 décembre à l'âge de 76 ans. Il était le premier compositeur des variétés japonaises qui ait eu l'honneur d'être "Grand Contributeur à la Culture", décoré par l'empereur. Il est surtout connu pour les tubes de style enka. Le enka est souvent faussement considéré comme le style traditionnel des variétés japonaises, mais son rythme le plus typique est une variation de la habanera cubaine (La Paloma). Certains disent "演歌は日本の心です" (Enka-wa nihon-no kokoro-désu, le enka est l'âme du Japon", mais en réalité, il n'est pas tellement japonais, et je me doute que la stylisation de enka ne date que des années 70, si je parcours vite la carrière de ce compositeur décédé.
 Le enka est le genre des variétés particulièrement détesté par les fans du rock, à cause de son image trop "autochtone". Je suis de la génération post-punk, et je ne partage pas trop la rock'n'roll attitude ;) Le problème est qu'enfin, il n'y a pas grand'chose à remarquer dans ce genre enka. Endô Minoru, que je n'apprécie pas plus que les autres faiseurs de tubes, a au moins laissé une chanson mémorable. (Avant la Deuxième Guerre mondiale, le mot enka voulait dire les chansons "sociales", le genre guère prisé par les Japonais d'après-guerre. Le enka d'avant-guerre n'a rien à voir avec le enka qu'on connaît maintenant.)
 La chanson est intitulée からたち日記 Karatachi nikki ("Journal du poncirus [citronnier épineux]") (1958). Le titre n'est pas vraiment compréhensible. Est-ce que la plante écrit? C'était un grand tube, mais c'est vraiment étonnant, parce que le rythme est complètement irrégulier. C'est du Frank Zappa? Endô était-il originaire d'un pays balkanique? lol Bien sûr que ça n'a rien n'a voir, mais on se demande d'où sont venus ces arrangements rythmiques trop bizarres, surtout pour un tube. La chanteuse s'appelle SHIMAKURA Chiyoko. La chanson de Endô Minoru, chantée par Shimakura Chiyoko doit être un enka selon l'image, mais elle échappe à la catégorisation. Je pensais que Shimakura Chiyoko était une Françoise Hardy japonaise, mais elle chante beaucoup mieux qu'Hardy tout de même.



からたち日記

 Comme c'est un slow, l'irrégularité musicale n'est pas trop soulignée, mais l'impression musicale reste très étrange. Si cette chanson a été bien accueillie par le peuple, on peut supposer que c'est parce que la mélodie respectait le rythme intérieur de la langue japonaise, au dépens de la musicalité normale. Mais l'honneur de cette innovation musicale n'est pas attribué à Endô Minoru. D'ailleurs, s'il s'agissait d'une autre plante que le "citronnier épineux" (karatachi), cela n'aurait jamais été un tube. Déjà, la maison de disque aurait refusé de faire chanter cette chanson bizarre à la jeune star (l'image de YouTube est de 1975).
 Le génie de la musique japonaise contemporaine, YAMADA Kôsaku, alias Kósçak Yamada (1886-1965), avait composé からたちの花 Karatachi-no hana (Fleurs du poncirus), avec la parole du grand poète KITAHARA Hakushû. C'est parce que cette chanson existait déjà que celle de Shimakura Chiyoko est intitulée Karatachi nikki, bien que le refrain répète karatachi-no hana.
 Yamada Kôsaku, bon observateur de la langue japonaise, a même inventé sa propre transcription alphabétique du japonais (dont son prénom Kósçak), et composé quelques oeuvres expérimentales pour faire valoir le rythme intérieur du japonais parlé. Karatachi-no hana fut un grand scandal musical. Yamada Kôsaku a également composé des dôyô et des shôka, mais cette chanson est une oeuvre "sérieuse" (kakyôku, air musical). C'est que les Japonais aimaient ce morceau que la chanson de Shimakura Chiyoko a pu être un grand tube. L'intro de Karatachi nikki cite une parcelle de la mélodie de Karatachi-no hana. (Malheureusement, la transcription alphabétique de Yamada Kôsaku était trop fantaisiste, mais c'était une bonne tentative.)



からたちの花(Maki Mori)

 Yamada est un vrai casse-pied pour les chanteurs. Par exemple, le compositeur a mis l'indication ppp sur le na de shiroï shiroï hana-ga. Vous voyez que c'est carrément impossible à chanter, et cette cantatrice ne respecte pas la volonté de l'artiste ici.
Les fleurs du poncirus se sont épanouies.
Ce sont des fleurs toutes blanches.

Les épines du poncirus piquent.
Ce sont des épines toutes vertes.

Le poncirus, c'est la haie du champ.
Je passe toujours par ce chemin.

Même le poncirus porte des fruits en automne.
Ce sont des fruits dorées tous ronds.

J'ai pleuré aux côtés du poncirus.
Tout le monde était gentil.

Les fleurs du poncirus se sont épanouies.
Ce sont des fleurs toutes blanches.

(Texte original)
 Ma traduction n'a aucune saveur ;-(
 Je mets l'image pour me faire excuser.

samedi 13 décembre 2008

Chansons pour enfants au Japon: shôka

 Le mot shôka 唱歌 voudrait dire "chansons à chanter" à la lettre, parce que ces deux idéogrammes signifient respectivement "chanter" et "chansons". Mais ce mot a un sens spécifique. Ce sont des chansons pour enfants, composées au cours d'environ cent ans, dès l'ère Meiji jusque dans les années 1950-1960 au plus tard, mais le mouvement a fini de facto avec la Deuxième Guerre mondiale. C'est le gouvernement qui a pris l'initiative de ce projet musical, tandis que le dôyô 童謡 "chansons enfantines" était un mouvement littéraire et musical des artistes qui n'étaient pas contents du shôka trop formaliste. Déjà, les paroles de shôka sont souvent difficiles à comprendre, parce qu'elles sont écrites en japonais "littéraire" (bungo 文語, "langue écrite" à la lettre), alors que le talent des poètes excellents comme KITAHARA Hakushû (1885-1942) (le premier poète symboliste au Japon, malheureusement mal connu à l'étranger) et NOGUCHI Ujô (1882-1945) s'exerçait pour le mouvement dôyô. Je préfère de loin le dôyô au shôka, mais je donne quelques exemples de shôka d'abord. Le slogan du gouvernement Meiji était "sortir de l'Asie, entrer en Europe", et le projet de shôka en faisait une partie importante pour changer la sensibilité japonaise. Cela ne veut pas dire que ces mélodies sont franchement occidentales, mais elles montrent les efforts de l'émulation. Il faut connaître un minimum de shôka et de dôyô pour comprendre la sensibilité des Japonais modernes. (Les Japonais confondent très souvent ces deux genres. Ils croient que le shôka et le dôyô veulent dire la même chose, mais ce sont des catégories historiquement distinctes l'une de l'autre.)
 Vous pouvez probablement constater que, si certains Japonais montrent l'allergie à être confondus avec les Chinois, cela concerne souvent la sensibilité musicale. Ils crient: "C'est une mélodie chinoise, ça n'a rien de japonais!" C'est qu'on donne l'éducation musicale à l'école toujours avec le shôka, qui porte la trace de la modernisation de l'ère Meiji. Même à présent, Kim Jong-Il donne beaucoup d'importance à la politique musicale, et les Japonais d'avant-guerre étaient un peu comme les Nord-Coréens actuels. C'est peut-être la particularité de l'Asie de l'Est.
 La première tentative pour émuler la musique européenne était "Hana (Fleur)" (1900) de TAKI Rentarô (1879-1903). Ce n'est pas un shôka proprement dit, vu que cette chanson n'a pas été composée pour enfants, mais elle est maintenant considérée comme un morceau qui représente le genre. D'ailleurs, Taki a composé beaucoup de shôka pendant sa vie trop courte.
 Les arrangements sont trop bizarres, mais je ne peux trouver mieux :(



花/滝廉太郎/無伴奏女声三部合唱
Sur le fleuve Sumida dans la douceur du printemps,
Montent et descendent les bateliers.
Même les gouttes d'eau tombent comme les pétales de leurs rames.
A quoi doit-on comparer le cours d'eau?
 "Utsukushiki tennen (La Belle Nature)" est la première valse composée au Japon (1905). L'interprétation est de Soul Flower Mononoke Summit, un des mes groupes favorits. La mélodie est plutôt connue comme la musique de cirque maintenant.



美しき天然

 "Sôshunfu (Début de printemps)" (1913). L'image est tirée d'une émission de NHK "Minna-no uta" (Chansons pour tous). Le dessin est de HAYASHI Seiichi (Sékishoku Elégie, L'Elégie rouge).


早春賦
C'est le printemps sur le calendrier, mais le vent est froid.
Bien que le rossignol uguisu dans la vallée veuille bien chanter,
Il reste muet en se disant que ce n'est pas encore le temps.
 "Oboro-dzukiyo (Soir à la lune vague)" (1914). La chanteuse ISHIKAWA Sayuri dit que c'est un dôyô. Bon exemple de confusion, mais le problème est qu'elle n'est pas bête.


日本の情景・春 朧月夜 石川さゆり 1993年 Ishikawa Sayuri
Le crépuscule s'assombrit sur le champ de colza.
La brume est dense partout sur les cimes de la colline.
Je vois le ciel où la bise printanière souffle,
Et trouve la lune de soir qui brille légèrement.
 "Fuyu-géshiki (Paysage d'hiver)" (1913). L'interprétation est comme il faut, mais pas plus. Une bonne partie de shôka est appelée "monbushô-shôka", shôka du ministère de l'éducation nationale. Et souvent ni le parolier ni le compositeur ne sont identifiés. Cette chanson en est un exemple.



冬景色
Au port où le brouillard léger disparâit,
Le givre matinal est blanc sur le bateau.
On n'entend que le chant d'oiseaux de mer,
Et la maison au bord ne se réveille pas encore.
"Umi (La mer)" (1913). Un autre monbushô-shôka. Ne tenez pas compte de l'image inexistante. Je préfère toujours les chœurs de jeunes filles pour ce genre de shôka.




Là au loin où le bois des pins disparaît,
On voit une voile blanche qui flotte.
Les filets sont hauts, séchés au bord de mer,
Les mouettes sont basses, volant à fleur des vagues.
Regarde la mer sous le soleil.

 "Hamabé-no uta (Chanson de la plage)" (1918). L'enregistrement est de 1941, chanté par Li Xianglan (Ri Kôran). Li Xianglan était le pseudonyme de YAMAGUCHI Yoshiko, Japonaise née en Chine. Li Xianglan était une grande star en Chine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle se faisait passer pour une vraie Chinoise de peur de décevoir les Chinois et les Japonais. Accusée de trahison contre l'Etat de Chine, elle a avoué qu'elle était japonaise et en a été acquittée. Faisant son mea culpa, elle a été élue sénatrice socialiste. Elle a joué dans les films de Samuel Fuller sous le nom de Shirley Yamaguchi. Née en 1920, elle est toujours vivante. C'est un grand personnage respectable malgré son passé ambigu.


浜辺の歌 李 香蘭
J'erre sur la plage le matin,
Et je me souviens d'autrefois.
Le vent, le bruit, la forme de nuages.
Les vagues qui s'abordent, la couleur de coquillages.
 Elle chante 風よ音よ (kazé-yo oto-yo, le vent, le bruit) fidèlement à la parole originale, mais le sous-titre est 風の音よ (kazé-no oto-yo, le bruit du vent), plus compréhensible en effet, mais qui ne respecte pas l'auteur. Il est vrai que tous les Japonais chantent kazé-no oto-yo à présent, mais cela veut dire que ce peuple ne respecte pas leur patrimoine culturel.

 "Yashi-no mi (Noix de coco)" (1936). La parole est de SHIMAZAKI Tôson (1901), mais le gouvernement au temps de guerre en a fait une chanson particulièrement ambiguë, sous la politique de l'expansion vers l'Asie du Sud-Est.
 La chanteuse s'appelle UA. C'est une bonne chanteuse.



UA ううあ やしのみ 椰子の実

 Pas mal de parents et de profs veulent désormais que ces chansons shôka n'apparaissent plus dans le manuel scolaire, parce que les paroles sont trop difficiles pour les enfants selon eux. Il y a quelques mois, une petite fille de douze ans a écrit au journal Asahi Shinbun, pour dire qu'elle voulait bien apprendre les mots difficiles par ces belles chansons... Bien que ce ne soit que des produits de la politique musicale du gouvernement impérial d'avant-guerre, je pense qu'il faut transmettre ce patrimoine culturel à nos enfants.

dimanche 7 décembre 2008

Est-ce qu'il est vrai qu'il est mal vu de se moucher en public au Japon?

 Je l'ai entendu de mes élèves français plusieurs fois, et le quiz de RTL en a parlé récemment. Au Japon, il ne faut pas se moucher en public, car c'est considéré comme malpoli. Cyril Hanouna a ajouté qu'on préfère renifler plutôt que de se moucher au Japon pour cela, d'un ton assez sérieux. Ce cliché me met mal à l'aise, car je ne vois pas d'où il est venu.
 Mais j'ai enfin compris! Ouf. (Enfin, je crois avoir compris.) En fait, le vrai savoir-faire japonais est de "ne pas se moucher dans le mouchoir en tissu". Je ne sais pourquoi, mais cette civilité des Japonais modernes (car on le faisait avant) aurait changé en une autre chose. C'est peut-être le téléphone japonais ;) En effet, il est considéré comme peu hygiénique de se moucher dans le mouchoir en tissu. Il faut se moucher dans le mouchoir en papier, et le jeter dans la poubelle de suite. C'est une question d'hygiène, mais pas de politesse. Je ne sais s'il est scientifiquement prouvé qu'il n'est pas hygiénique de se moucher dans le mouchoir en tissu dans le Japon humide, ce n'est qu'une croyance populaire sans doute. Mais en tout cas, je suis énervé d'entendre tout le temps que tout est la question de politesse au Japon. (C'est parce que je ne suis pas un Japonais poli bien sûr! ;-p)
 Moi, je ne connais personnellement aucun Japonais qui préfère renifler plutôt que de se moucher, mais c'est peut-être parce que je suis provincial. Je ne connais pas toutes les "bonnes manières" japonaises! (Mais j'ai vécu à Tokyo pendant presque dix ans.) Il est possible que cette règle soit inscrite quelque part dans le protocole des nobles japonais, j'en sais rien! En tout cas, c'est ridicule de ne pas se moucher quand on est enrhubé. :D Vous n'avez pas besoin de faire exagérément du grand bruit, c'est pareil en France. Je peux au moins assurer que vous ne choquez personne en se mouchant normalement dans le mouchoir en papier. D'ailleurs, les Japonais sont tellement bizarres que je ne serais pas étonné si mes compatriotes résidant en France répétaient ce qu'ils ont entendu comme une politesse japonaise de la bouche des Français.

 Mais pourquoi les Japonais parlent-ils toujours de leur politesse spécifique? A mon avis, ils prononcent ce mot quand ils ne savent pas comment expliquer une coutume ou une habitude. Cette "politesse" peut être remplacée par le "snobisme" dont parle le philosophe hégélien d'origine russe Alexandre Kojève. Je cite le passage assez connu au Japon (mais un peu abscons, je dois le dire).
 J'ai pu y observer une Société qui est unique en son genre [au Japon en 1959], parce qu'elle est seule à avoir fait une expérience presque trois fois séculaire de vie en période de "fin d'Histoire", c'est-à-dire en l'absence de toute guerre civile ou extérieure (à la suite de la liquidation du "féodalisme" par le roturier Hideyoshi et de l'isolement artificiel du pays conçu et réalisé par son noble successeur Yieyasu). Or, l'existence des Japonais nobles, qui cessèrent de risquer leur vie (même en duel) sans pour autant commencer à travailler, ne fut rien qu'animale.
 La civilisation japonaise "post-historique" s'est engagée dans des voies diamétralement opposées à la "voie américaine". Sans doute, n'y a-t-il plus au Japon de Religion, de Morale, ni de Politique au sens "européen" ou "historique" de ces mots. Mais le Snobisme à l'état pur y créa des disciplines négatrices du donné "naturel" ou "animal" qui dépassèrent de loin, en efficacité, celles qui naissent, au Japon ou ailleurs, de l'Action "historique", c'est-à-dire des Luttes guerrières et révolutionnaires ou du Travail forcé. Certes, les sommets (nulle part égalés) du snobisme spécifiquement japonais qui sont le Théâtre Nô, la cérémonie du thé et l'art des bouquets de fleurs furent et restent encore l'apanage exclusif des gens nobles et riches. Mais, en dépit des inégalités économiques et sociales persistantes, tous les Japonais sans exception sont actuellement en état de vivre en fonction de valeurs totalement formalisées, c'est-à-dire complètement vides de contenu "humain" au sens d'"historique". Ainsi, à la limite, tout Japonais est en principe capable de procéder, par pur snobisme, à un suicide parfaitement "gratuit" (la classique épée du samouraï pouvant être remplacée par un avion ou une torpille), qui n'a rien à voir avec le risque de la vie dans une Lutte menée en fonction de valeurs "historiques" à contenu social ou politique. Ce qui semble permettre de croire que l'interaction de compte non pas à une rebarbarisation des Japonais, mais à une "japonisation" des Occidentaux (les Russes y compris).
 C'est un peu daté, mais sa prophétie sur la japonisation n'était pas vraiment fausse. Moi, humaniste, j'essaie d'y mettre des obstacles, en commençant par refuser la soi-disant politesse japonaise, vide de sens historique et humain.

P.S. Apparemment, il est interdit de se moucher pendant la cérémonie du thé. Mais je ne peux penser que cette règle vraiment particulière est l'origine de ce cliché, vu que la plupart de Japonais ne pratiquent pas ce soi-disant art.


Momoyama Harué

 La musicienne chanteuse MOMOYAMA Harué 桃山晴衣 est morte à l'âge de 69 ans le 5 décembre. Joueuse de shamisen, elle est surtout connue pour son album de 1981 "Ryôjinhishô" 梁塵秘抄, qui fait ressusciter les paroles des chansons populaires du 12e siècle, purement considérées comme des œuvres littéraires jusque là, avec la musique originale, composée selon l'hypothèse de la musique pan-orientale, qui traverse la bande géographique qui passe des pays maghrébins jusqu'au Japon.

 Elle a également su donner le nouveau souffle à d'autres chansons populaires du Japon. Elle a joué avec beaucoup de musiciens orientaux, notamment avec le joueur de oud égyptien Hamza El Din. Elle a fait la musique de La Tempête, mise en scène par Peter Brooke. Elle a écrit des livres sur la musique traditionnelle japonaise. Son mari est TSUCHITORI Toshiyuki, le percussionniste.

 Ryôjinhishô est le recueil des poèmes anonymes édité par Goshirakawa jôkô vers 1180. La plupart des paroles sont d'inspiration bouddhiste, mais elles ne sont nullement dogmatiques, car elles relèvent de la foi plus ou moins naïve du peuple. Le recueil contient également des poèmes érotiques. Malheureusement, la plupart des poèmes ont disparu. Complètement oublié pendant plusieurs siècles, le recueil a été redécouvert à l'aube du 20e siècle par le poète SASAKI Nobutsuna, également connu comme le savant qui a établi l'édition critique de Man'yôshû. Tout en étant jôkô ("empereur en retraite") à la fin de l'aristocratie à l'ère de l'avènement des samouraïs, Goshirakawa était follement amoureux des chansons populaires de l'époque. Il y a plusieurs empereurs qui ont laissé des œuvres littéraires, mais il est tout à fait exceptionnel pour son amour de la musique populaire.
 Le recueil contient également des notices musicales, mais elles sont difficilement déchiffrables, car la tradition est complètement perdue. Personne n'a osé mettre ces poèmes en musique à cause de cela, mais Momoyama l'a fait avec sa musique originale. Profanation des œuvres médiévales? Mais non. Car les mots les plus connus de Ryôjinhishô sont ainsi:
遊びをせむとや生まれけむ Peut-être est-on né pour jouer.
戯れせむとや生まれけむ Peut-être est-on né pour s'amuser.
 Ce premier vers 遊びをせむとや生まれけむ (Asobi-o sé-n-to-ya umaré-ken) était le titre original de l'album de Momoyama. Ces deux lignes sont bien ma citation favorite de la littérature japonaise :-)

vendredi 5 décembre 2008

Je vous en supplie, pas d'inepties comme ça!

 J'ai reçu ce courriel hier. Entre crochets, c'est moi.
Hello,
Votre blog, 'cho omoshiroï' ! [trop intéressant] Même si je ne comprends pas tout. Vous êtes traducteur, mais il me semble que vous n'avez aucune chance de trouver un job dans ce domaine, surtout si vous avez plutôt appris le français littéraire. Et encore moins de chance, de trouver un tel job à Aomori, sauf dans le domaine nucléaire, avec la centrale de Rokkasho. Est-ce qu'il y a déjà 5 mètres de neige à Aomori ?
Je me souviens bien qu'il y a même un système d'eau chaude sur l'avenue principale pour faire fondre la neige.
Heureusement que vous pouvez encore compter sur vos parents pour vous aider, même à 41 ans. De toute façon, aucune entreprise japonaise ne voudrait embaucher quelqu'un qui a CV comme le vôtre ! Vous êtes marginalisé et bon pour faire le 'Freeter' [employé intérimaire], et encore....
 5 mètres de neige? Il paraît qu'il connaît très bien le Japon, dites donc. Pédophiles, chômeurs, consanguins, bienvenue à Aomori? La centrale nucléaire de Rokkasho embauche toujours des traducteurs-interprètes? Ouais... il est au courant, bien sûr... Et qu'est-ce qu'il veut dire par 'le français littéraire'? C'est un peu comme l'arabe classique? G o6 appris le franC SMS, je croit ke sa fé gagné, non? Mais comme même!
 J'ai eu l'extrême gentillesse de répondre à cette ânerie.
'Heureusement que vous pouvez encore compter sur vos parents pour vous aider, même à 41 ans.'
Mais d'où sortez-vous cette connerie? Mon père est décédé il y a douze ans et c'était un ouvrier. Il me semble que vous n'êtes même pas au courant que le Japon est un pays démocratique. Vous vous plaisez dans la caricature et les clichés, faites ce que vous voulez, mais ne m'écrivez pas des inepties comme ça.
Honte à vous.
 Je me demande vraiment où ils ont entendu cette idiotie 'Au Japon, il faut le CV des parents pour avoir un bon boulot', car j'en ai déjà été embêté par d'autres 'moi, je connais bien le Japon'. Est-ce une légende urbaine du Japon très connue en France? Moi, j'ai fait mes études à l'école nationale des langues étrangères à Tokyo (le nom officiel en français est l'Université de Tokyo des langues étrangères, mais je le trouve peu heureux, car cette école n'a rien à voir avec l'Université de Tokyo), mais franchement, je ne connais presque aucun ami qui ait été embauché grâce aux parents. Si ça existe, c'est une histoire du fils à papa qui n'a pas sérieusement fait ses études. C'est bon pour la mauvaise série télévisée. Et mon école n'a rien à voir avec ces universités privées que fréquentent les oisifs riches presque illettrés. Ils ne sont même pas la majorité des étudiants japonais, et alors, pourquoi ce cliché ridicule? (Est-ce la faute de mes compatriotes bizarres qui adorent trop les clichés sur les Japonais? Il faut se méfier des Japonais qui parlent de leur civilisation!, sauf moi bien sûr ;-p)
 J'aurais regretté d'avoir envoyé ma réponse dans un emportement. Très mauvaise, mais c'était peut-être une plaisanterie... Mais hélas, j'ai eu droit à sa réponse pire que le message précédent...
Désolé,
Mais si vous cherchez du travail, comme vous le dites sur votre blog, et que vous avez 41 ans, que vous avez étudiez 10 ans à l'université en France ? [J'ai vécu en France pendant dix ans, mais je n'ai pas fait dix ans d'études en France quand même.]
Donc vous n'avez pas réussi à obtenir le doctorat. Vous avez essayé, c'est déjà beaucoup. [Ouais, j'ai fait la déprime...]
Il semble que vous ayez de sérieux problèmes pour subvenir seul à vos besoins ?
Votre père est décédé, mais son entreprise de fabrication de sauce de soja, existe encore n'est-ce-pas ? [C'est étonnant comment il peut s'obstiner à garder sa chère image du Japon.]
Grâce à cela vous subvenez à vos besoins, et puis vous habitez sans doute dans la maison parentale ?
Sinon, dites moi pourquoi c'est faux, puisque mes déductions résultent des renseignements que vous donnez sur vous dans votre blog ?
Et en plus, la nuit vous surfer au lieu de dormir ? [Il est vrai que je lui ai envoyé ma réponse à 3h du mat, mais je vais au lit à minuit tous les jours.]
Alors j'en déduit que vous ne devez pas vous lever de bon heure pour aller travailler.
Sachez cher monsieur que je connais très bien le Japon, de même que Aomori. [Oui, oui, bien sûr, je n'ai aucun doute là-dessus.]
La honte devrait plutôt vous envahir vous ! pourquoi moi ? je ne suis [pas] né dans le pays de la Honte, le Japon. [Ca, c'est un compliment.]
Vous êtes agressif dans votre réponse alors que je vous envoyé un message amical. [Est-ce que quelqu'un peut comprendre comment il peut trouver amical son message tellement irrespectueux et insolent envers moi??? Même à 41 ans, je dois demander l'aide de mes parents pour trouver un boulot, 'le Japon, c'est un pays comme ça, je le connais très bien', c'est ce qu'il dit, et il le trouve amical???]
Parce qu'à 41 ans sans travail au Japon, c'est la honte suprême !
Et célibataire, alors c'est encore pire ! [Mais qu'est-ce qu'il a contre le célibat?...]
Dans la société japonaise, on dira que vous êtes bizarre, que vous n'êtes pas 'futsu' [normal]. Je vous plains, [Les Japonais doivent être normaux, suivant respectueusement les normes japonaises. C'est ce qu'il croit, je ne sais pourquoi. Même mes compatriotes ne me demandent pas d'être un Japonais 'normal', à moi qui ai vécu longtemps à l'étranger, mais lui, le nipponomane, me l'exige!]
Enfin, le Japon est loin d'être une véritable démocratie comparable aux pays d'Europe et autres. [Vive la Sarkozie!]
Sincèrement, ce ne serait pas vous qui écrivez des conneries dans votre blog ?
Que savez vous de la démocratie ? on n'apprend pas cela en littérature mais en droit. [Mouais, apparemment, c'est son très grand complexe, la littérature...]
Si votre père était un ouvrier, comment avez vous pu financer vos études ? Même en France, il faut de l'argent pour vivre, bien que les frais de scolarité sont ridicule à côté du Japon, où l'éducation est une  comme une marchandise qui coûte chère. [Les bons étudiants peuvent bénéficier d'exonération des frais d'études et d'une bourse (qu'on doit rembourser, mais tout de même). Et lui, c'est LE spécialiste du Japon!]
Certainement, que vous ne regardez plus votre pays comme il y a dix ans, vous en percevez maintenant tous les gros défauts.
Personne ne vous embauchera plus au Japon sauf comme 'Freeter'. [Il croit ce qu'il a entendu. Chapeau.] Même dans le domaine de la traduction, on ne vous donnerait que 1800 yens de l'heure. C'est honteux, n'est-ce pas !
Conclusion, vous êtes impoli et agressif, tout le contraire d'un Japonais. Vous êtes vraiment Japonais ou bien vous vous moquez des gens sur votre Blog ? [Mais pourquoi doit-il toujours se dire 'Les Japonais, ils sont comme ça'?]
Surtout qu'on ne peut pas bien vous voir sur la photo.
Vous êtes peut-être un de ces maudits français qui se fait passer pour un Japonais ? [Si je ne conviens pas à son image des Japonais, il veut m'enlever la nationalité japonaise?! Quel monde merveilleux! D'ailleurs, les 'Japonais' n'ont pas forcément la physionomie des Japonais ces jours-ci. Il y a des 'blancs' qui ne parlent que japonais.]
Si tout cela est faux, merci alors de me dire ce que vous faites exactement ? [Mais je le dis ouvertement: j'effectue des traductions. J'admets que l'argent que j'en tire n'est pas suffisant, mais alors?]
Enfin, il n'y a pas d'âge au Japon pour rester chez ses parents, c'est très courant, n'est-ce pas ? [Et alors? J'ai passé dix ans en France, je suis retourné à mon pays l'année dernière et je vis actuellement chez ma mère. Je partirai ailleurs l'an prochain, je n'en sais rien. Il est intéressant de constater que l'homme qui disait "Je connais très bien le Japon" tout à l'heure se transforme soudain en champion des valeurs familiales françaises. Il n'arrive pas encore même au niveau Tanguy. ;-p]
C'est vrai qu'il y a beaucoup de choses honteuses au Japon dont il vaut faire comme si elles n'existaient pas et ne jamais en parler. [Peut-être qu'il n'a jamais lu mon blog qu'il trouve 'trop intéressant'.]
 Je mets sur l'accueil de MySpace les photos de la maison que j'ai habitée quand j'étais petit, mais mon père avait fermé l'usine même avant que je ne sois né. (Ce n'était qu'une toute petite usine, mais cette personne parle de 'l'entreprise de fabrication de sauce de soja' mdr) Il était concessionnaire de voitures après, mais il a été licencié en refusant la mutation. Tellement il était attaché à la région. Mon père que je connaissais était un pompiste. Je le regrette toujours, et si j'ai honte de mon état actuel, c'est seulement envers lui.
 Je recherche un emploi fixe parce que j'ai marre de l'instabilité. Et cet homme sort ce mot qu'il a entendu quelque part: Freeter. Est-ce qu'il connaît le sens de ce mot? Je ne crois pas. (C'est un autre mot diabolique qui est fait de free [anglais] et Arbeiter [allemand].) Ce sont des mains-d'oeuvre, et je dois m'y mettre? (Je respecte les ouvriers, mais je ne sers pas à grand'chose comme une main-d'oeuvre.) Et lui, il connaît la réalité du Japon comme ça? Mais il me prend pour qui?
 Je ne sais pas vraiment, mais peut-être est-ce une zemmouritude (qui se veut anti-gauche politiquement incorrecte) qui est maintenant à la mode en France apparement. Qu'il soit conscient de ce que tout ce qu'il dit n'est que la caricature du Japon actuel, je ne pense pas que c'est trop demander.

P.S. Je crois que j'en ai déjà parlé dans ce blog, mais la fameuse thèse de 'la civilisation de la Honte' est celle de l'Américaine Ruth Benedict, qui a eu une très mauvaise idée de conseiller à Roosevelt de ne pas toucher au régime impérial au Japon. Je n'ai aucune obligation de respecter cette image du Japon, très 'vue d'ailleurs'.

P.P.S. Ce qui me fait le plus marrer est son raisonnement niveau CM2.

Vous avez fait les études littéraires.
Donc vous ne connaissez que la littérature.
La littérature, ça fait pas gagner.
Donc vous n'êtes bon qu'à faire le travail intérimaire.




 Comme ça, il croit parler du Japon, mais en vérité, il ne fait que dévoiler ses anciens préjugés d'un parvenu petit-bourgeois très très moyen (oups! je fais la déduction de merde comme lui!) ;-p
 Et ce qui m'énerve plus que tout, c'est qu'il y a peut-être des Japonais typiques et sympathiques tout à fait son genre, qui répondraient à ce mépris sournois et "amical", par un sourire ambigu, et il l'espérait de ma part!!! grrrr

 Je vous préviens. Si vous récidivez, je publierai votre nom. Vous serez couvert de honte même dans votre pays glorieux. Pensez à vos proches.

lundi 1 décembre 2008

Opération favoritisme

 On rencontre souvent la fétichisation des mots en japonais. Elle est complètement intraduisible et incompréhensible pour les non Japonais. Par exemple, on peut entendre ce genre de dialogue entre un enfant et un adulte.
大きくなったら何になりたい? Qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand?
パティシエになりたい! Je veux être pâtissier!
お菓子屋さんになりたいんだ。Tu veux être pâtissier (okashiya), c'est ça?
ちがう、お菓子屋さんじゃなくて、パティシエ! Mais non, je veux être pâtissier, mais pas pâtissier (okashiya)!
 Quand le philosophe Kripke réfléchissait sur la question des noms propres, il parlait d'un Français dont le rêve était d'habiter à Londres. Il a réussi à vivre à Londres, mais il ne s'en rend pas compte, car la ville qu'il habite maintenant s'appelle London en fait. Ainsi, a-t-il voulu controverser la thèse de Bertrand Russel qui disait que les noms propres étaient définissables ("Aristote est l'homme qui a écrit L'Ethique de Nicomaque").
 Au Japon, celui qui mange du nata de coco ne se rend pas compte que ce qu'il consomme est un coconut, et il arrive qu'il doit se contenter de prendre du café au lait quand il veut boire le caffè latte. Tous les Japonais vivent tous les jours la question kripkéenne.
 Il faut tenir compte de ce fait pour comprendre l'affaire Tamogami. Il paraît que ce capitaine de l'armée de l'air n'aime pas que le Japon soit appelé un "pays envahisseur"(侵略国家, shinryaku kokka). Il prétend qu'il est inadmissible que seul le Japon soit qualifié de pays envahisseur, tandis qu'il n'y a aucun autre pays qui soit appelé ainsi. Le problème est tout simple, mais assez difficile à se rendre compte: Dans la tête de Tamogami, le mot shinryaku kokka est fétichisé. Finalement, ce n'est qu'une question de terminologie jargonisée qui manque complètement de souplesse d'interprétation. Pour Tamogami, si on accusait l'allemagne nazie de tous les crimes de la guerre, et que les pays européens se repentissent de l'impérialisme et du colonialisme, ce n'est pas son problème, à moins qu'ils ne soient qualifiés précisément de shinryaku kokka en japonais. "Il n'y a que le Japon qui soit appelé comme ça, et c'est injuste", cette parole est bien incrustée dans sa tête, et sa logique est inébranlable à jamais. Il suffirait donc que quelqu'un appelle les pays européens "shinryaku kokka" devant lui pour qu'il change d'avis! Il faut qu'il sache tout simplement que London est un autre nom pour Londres, et le pâtissier est okashiya en japonais. Paradoxalement, c'est lui qui dit que les autre grands pays n'ont jamais été envahisseurs, et il ne le sait pas lui-même, car tout simplement, il n'a jamais entendu le mot shinryaku kokka pour qualifier ces pays.

 Et ce Tamogami a parlé de la grande opération favoritisme (えこひいき大作戦) dans un autre article qu'il a publié dans une revue. L'expression est stupide et fâcheuse. Il paraît qu'il victimise les agents des Forces d'autodéfense (autrement dit, les soldats de l'armée japonaise) qui vivent une difficulté après la Deuxième Guerre mondiale dans ce pays pacifiste. Et il prétend que les soldats ont le droit au favoritisme pour équlibrer la situation défavorable pour l'armée.
 Voici un exemple de l'opération favoritisme. Le patron d'une chaîne d'hôtellerie, sympathisant de la thèse révisionniste de Tamogami, a eu droit à monter dans un avion chasseur, bien qu'aucune personne privée n'en ait le droit. Et un très curieux hasard veut que ce patron organise le concours des essais où Tamogami a obtenu le premier prix avec son fameux écrit. Les autres membres du jury ont tous voté sans connaître les candidats, mais l'organisateur du concours, qui était à la place de savoir les noms des auteurs, a donné le plus de points à son ami. Et personne dans le jury ne savait même pas que le vote de l'organisateur était compté. Comme cela, l'opération favoritisme est réciproque.
 Maintenant on sait que quelqu'un comme Tamogami qui n'a aucune honte à faire parade de cet acte injuste de favoriser ses amis avec les moyens publics de l'armée était au siège du chef de l'armée de l'air. Et les Japonais s'en foutent complètement, et même aujourd'hui il récidive ses âneries, et la télé est tout contente d'en parler sans montrer aucune attitude critique envers lui. Ce que le monde est beau.