mercredi 17 décembre 2008

Les fleurs du poncirus

 Le compositeur ENDÔ Minoru est mort le 6 décembre à l'âge de 76 ans. Il était le premier compositeur des variétés japonaises qui ait eu l'honneur d'être "Grand Contributeur à la Culture", décoré par l'empereur. Il est surtout connu pour les tubes de style enka. Le enka est souvent faussement considéré comme le style traditionnel des variétés japonaises, mais son rythme le plus typique est une variation de la habanera cubaine (La Paloma). Certains disent "演歌は日本の心です" (Enka-wa nihon-no kokoro-désu, le enka est l'âme du Japon", mais en réalité, il n'est pas tellement japonais, et je me doute que la stylisation de enka ne date que des années 70, si je parcours vite la carrière de ce compositeur décédé.
 Le enka est le genre des variétés particulièrement détesté par les fans du rock, à cause de son image trop "autochtone". Je suis de la génération post-punk, et je ne partage pas trop la rock'n'roll attitude ;) Le problème est qu'enfin, il n'y a pas grand'chose à remarquer dans ce genre enka. Endô Minoru, que je n'apprécie pas plus que les autres faiseurs de tubes, a au moins laissé une chanson mémorable. (Avant la Deuxième Guerre mondiale, le mot enka voulait dire les chansons "sociales", le genre guère prisé par les Japonais d'après-guerre. Le enka d'avant-guerre n'a rien à voir avec le enka qu'on connaît maintenant.)
 La chanson est intitulée からたち日記 Karatachi nikki ("Journal du poncirus [citronnier épineux]") (1958). Le titre n'est pas vraiment compréhensible. Est-ce que la plante écrit? C'était un grand tube, mais c'est vraiment étonnant, parce que le rythme est complètement irrégulier. C'est du Frank Zappa? Endô était-il originaire d'un pays balkanique? lol Bien sûr que ça n'a rien n'a voir, mais on se demande d'où sont venus ces arrangements rythmiques trop bizarres, surtout pour un tube. La chanteuse s'appelle SHIMAKURA Chiyoko. La chanson de Endô Minoru, chantée par Shimakura Chiyoko doit être un enka selon l'image, mais elle échappe à la catégorisation. Je pensais que Shimakura Chiyoko était une Françoise Hardy japonaise, mais elle chante beaucoup mieux qu'Hardy tout de même.



からたち日記

 Comme c'est un slow, l'irrégularité musicale n'est pas trop soulignée, mais l'impression musicale reste très étrange. Si cette chanson a été bien accueillie par le peuple, on peut supposer que c'est parce que la mélodie respectait le rythme intérieur de la langue japonaise, au dépens de la musicalité normale. Mais l'honneur de cette innovation musicale n'est pas attribué à Endô Minoru. D'ailleurs, s'il s'agissait d'une autre plante que le "citronnier épineux" (karatachi), cela n'aurait jamais été un tube. Déjà, la maison de disque aurait refusé de faire chanter cette chanson bizarre à la jeune star (l'image de YouTube est de 1975).
 Le génie de la musique japonaise contemporaine, YAMADA Kôsaku, alias Kósçak Yamada (1886-1965), avait composé からたちの花 Karatachi-no hana (Fleurs du poncirus), avec la parole du grand poète KITAHARA Hakushû. C'est parce que cette chanson existait déjà que celle de Shimakura Chiyoko est intitulée Karatachi nikki, bien que le refrain répète karatachi-no hana.
 Yamada Kôsaku, bon observateur de la langue japonaise, a même inventé sa propre transcription alphabétique du japonais (dont son prénom Kósçak), et composé quelques oeuvres expérimentales pour faire valoir le rythme intérieur du japonais parlé. Karatachi-no hana fut un grand scandal musical. Yamada Kôsaku a également composé des dôyô et des shôka, mais cette chanson est une oeuvre "sérieuse" (kakyôku, air musical). C'est que les Japonais aimaient ce morceau que la chanson de Shimakura Chiyoko a pu être un grand tube. L'intro de Karatachi nikki cite une parcelle de la mélodie de Karatachi-no hana. (Malheureusement, la transcription alphabétique de Yamada Kôsaku était trop fantaisiste, mais c'était une bonne tentative.)



からたちの花(Maki Mori)

 Yamada est un vrai casse-pied pour les chanteurs. Par exemple, le compositeur a mis l'indication ppp sur le na de shiroï shiroï hana-ga. Vous voyez que c'est carrément impossible à chanter, et cette cantatrice ne respecte pas la volonté de l'artiste ici.
Les fleurs du poncirus se sont épanouies.
Ce sont des fleurs toutes blanches.

Les épines du poncirus piquent.
Ce sont des épines toutes vertes.

Le poncirus, c'est la haie du champ.
Je passe toujours par ce chemin.

Même le poncirus porte des fruits en automne.
Ce sont des fruits dorées tous ronds.

J'ai pleuré aux côtés du poncirus.
Tout le monde était gentil.

Les fleurs du poncirus se sont épanouies.
Ce sont des fleurs toutes blanches.

(Texte original)
 Ma traduction n'a aucune saveur ;-(
 Je mets l'image pour me faire excuser.

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