samedi 29 mars 2008

Procès d'Oé Kenzaburô

Hier, Oé Kenzaburo, le lauréat du prix Nobel de la littéarture, a gagné le procès dont il était accusé de la diffamation contre les vétérans de la Deuxième Guerre mondiale. Il a écrit Les Cahiers d'Okinawa, reportage sur la bataille d'Okinawa, une bataille particulièrement sanglante à laquelle même les adolescentes ont participé comme de jeunes soldats. Dans ce livre, le romancier parle du suicide collectif des îliens, et ces anciens lieutenants ont porté plainte pour nier leur responsabilité dans cette affaire tragique. Le tribunal a décidé que l'armée avait bien une responsabilité dans cet événement et a acquitté Oé.
C'est une affaire très étrange. D'abord, Oé ne dit pas que ces lieutenants ont donné l'ordre aux habitants de se suicider. Et puis, les plaignants n'avaient pas lu le livre avant d'engager les poursuites judiciaires pour la diffamation. Si on tient compte de ces faits élémentaires, le jugement ne peut être que non coupable pour Oé.
Si ce procès concerne les Japonais, c'est qu'il s'agit de la bataille d'Okinawa. Ces lieutenants (en fait, l'un des deux plaignants est le neveu de la personne qui a participé à la bataille) sont des Japonais qui étaient envoyés pendant la guerre aux archipels de Ryûkyû, qui étaient un pays indépendant jusqu'au 19e siècle. Là, on parle un dialecte très différent du japonais, et les habitants ont une culture propre à eux. Depuis qu'Okinawa a fait partie du Japon, les Nippons leur a interdit l'utilisation de leur dialecte.
Les Américains ont attaqué ces îles avant de débarquer à la métropole japonaise. On pense généralement que l'armée a ordonné aux habitant de mourir comme des Japonais exemplaires avant que ces îles soient complètement occupés par les ennemis. On suppose que les soldats ont distribué les grenades afin qu'ils puissent mourir "dans la dignité". Ces plaignants prétendent qu'ils n'avaient jamais donné d'ordre, mais leur plainte a été rejetée.
Je suis un peu frustré de la conclusion du procès, car ce procès était instrumentalisé par les deux camps, de gauche bien-pensante et d'extrême droite. Je ne suis ni pour l'une ni pour l'autre. Ce qui m'intéressait était plutôt les sentiments des plaignants et de ces soldats "japonais" qui ont connu cette expérience. "Nous ne pouvions rien faire. Nous étions complètement ahuris devant ces habitants qui se suicidaient sans que nous donnions l'ordre. Nous avions très peur." C'est ce qu'ils disent. C’est ce que ces gens disent. Ce qui est embêtant est que les plaignants parlent de la belle mort...
Les bien-pensants disent qu'ils mentent, et les gens d'extrême droite affirment que l'armée n'avait aucune responsabilité dans l'affaire. Mais pour ma part, je crois que ces soldats disent la vérité, sans que je nie la responsabilité globale de l'armée dans cet événement tragique. Le tribunal a adopté l'opinion des bien-pensants tout bonnement. (Les plaignants ont fait appel.) Mais mon opinion est plutôt comme cela: Très probablement, beaucoup d'habitants d'Okinawa se sont suicidés sous l'ordre de l'armée. Mais certains îliens ont choisi la mort, poussés par on ne sais quel sentiment de devoir intériorisé. Il n'est pas étonnant, pour moi au moins, qu'il y ait eu des soldats japonais qui ont assisté à ce comportement au-delà de compréhension à la fin de la guerre irrationnelle.
Comme j'ai déjà traité du sujet dans un autre article (KY), c'est une obligation pour les bons Japonais de s'adapter à l'"ambiance" générale, d'agir comme tout le monde. Et cette ambiance peut les pousser jusqu'à la mort. Il est bien possible que les habitants d'Okinawa se soient suicidés, sans ordre formel pour tout le monde, et que certains aient "volontairement" choisi la mort en un sens. Si je me permets une petite ironie, ces Okinawans sont morts véritablement comme les Japonais exemplaires qui imitent les autres sans réflexion profonde et existentielle... Mais enfin, on ne parle pas de la mentalité dans la cour...

P.S J'ajoute que je ne suis pas grand fan d'Oé. Je le lisais quand j'étais adolescent, mais c'est ce côté bien-pensant de gauche qui me gêne depuis quelques années.

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vendredi 28 mars 2008

Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa (poème d'ITOH Hiromi) (1987)

Le 15 septembre. Le cri de la fête a été unifié à « Boshita[1] ». Cloches, tambours et trompettes. Cloches, tambours et trompettes. Les hommes adaptent leurs corps au rythme, dansent, s’excitent, se tendent, s’enivrent au regard des autres. Les chevaux ornés s’excitent. Les chevaux urinent sur la rue comme de grands jaillissements. Des excréments mous, tièdes et humides s’entassent sur la rue sortis d’anus des chevaux. Les hommes dansent en les écrasant. Les garçons à la fête ont envie de dire que les chevaux ont de grosses couilles. Surtout aux jeunes filles qui se sont préparées pour la fête à l’instar des hommes, maquillées, et en se pressant leurs seins. Ils le leur disent et tout le monde rit. Les hommes à l’âge sexuellement épanoui. Les chevaux à l’âge sexuellement épanoui. Cloches, tambours et trompettes. Le rythme adapte les corps d’hommes au rythme. Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa.


Soyez bienheureux

Bienheureux est le coït

Les hommes croissent et croissent

Les hommes meurent et meurent

Ils croissent et croissent

Ils meurent et meurent

S’ils croissent ou meurent

Bienheureux est le coït

Le coït est amusant

Amusant est le bébé

Je l’ai dit jusque là et mon mari m’a dit

Ce n’est pas vrai

Je pense que ce n’est pas ta logique

Lorsque je lui ai demandé

Qu’est-ce que je dois faire alors ?

Il m’a dit

Le coït n’est pas le mot

Il ne correspond pas à ta logique, voire à celle de toutes les femmes, je suppose

Soit, j’ai dit

J’ai remplacé tous les mots coït par la baise, mais

Mon mari a dit

Non, non

Il me semble que ça ne correspond pas non plus à ta logique

Quand je lui ai dit

Je ne vois pas où est la faute

Il m’a dit

Je pense qu’il te manque la pensée qui trouve le coït amusant

De surcroît, tu n’as jamais utilisé au quotidien le mot comme la baise en t’amusant

Il me l’a dit

Par conséquent, ta logique n’est ni coït ni baise

Elle est quelque chose de bien différent

Même pour celle de toutes les femmes

Elle doit être quelque chose de différent autant que je comprenne

Soit, j’ai dit

J’ai substitué

À tous les coïts remplacés par la baise

L’accouchement


Soyez bienheureux

Bienheureux est l’accouchement

Les hommes croissent et croissent

Les hommes meurent et meurent

Ils croissent et croissent

Ils meurent et meurent

S’ils croissent ou meurent

Bienheureux est l’accouchement

L’accouchement est amusant

Amusant est le bébé


C’est bien ça

Mon mari est convaincu

C’est bien ça

Mon mari rit

C’est bien ça

Je ris moi aussi

C’est bien ça

La logique des femmes

Je n’aime pas l’expression comme la logique des femmes

C’est bien ça

Une logique des femmes tout de même

C’est bien ça


Soyez bienheureux

Bienheureux est l’accouchement

Les hommes croissent et croissent

Les hommes meurent et meurent

Ils croissent et croissent

Ils meurent et meurent

S’ils croissent ou meurent

Bienheureux est l’accouchement

L’accouchement est amusant

Amusant est le bébé

Le bébé danse

Danse le cheval

Le cheval a détruit

Bienheureuse est la destruction

Truie truie détruit[2]

Bienheureuses sont destruction et reproduction

Il y a reproductions croissantes

Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa


Mon mari a dit

Je veux que ce soit encore plus proche de toi

Diminuer les bébés

Concevoir les bébés

Accoucher les bébés

Avorter les bébés

Câliner les bébés

Supplicier les bébés

Tuer les bébés

Abandonner les bébés

Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa


Je veux que ce soit encore plus proche de toi

Diminuer Kanoko

Concevoir Kanoko

Accoucher Kanoko

Avorter Kanoko

Câliner Kanoko

Supplicier Kanoko

Tuer Kanoko

Abandonner Kanoko

Manger Kanoko


L’homme dont j’ai serré la main hier soir

Laquelle j’ai embrassée

Et que j’ai baladé sur tout le trajet

À Sakuradaï Fujimidaï Hatsudaï Surugadaï Nanpeidaï[3] sans que je puisse décider de me séparer

Était un homme mince de petite taille

Moi, j’adore les jeunes hommes minces de petite taille

Il tape le clavier d’ordinateur

Il tape le clavier d’ordinateur

Il tape

Cela apparaît clairement sur le moniteur

Je me suis accroché à lui

J’ai sucé le doigt mince du jeune homme

Clair

Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa

Mon mari est absent

Je fais attention

Pour qu’il ne le découvre pas

Même s’il le découvre, je crois qu’il me pardonne

J’adore les hommes myopes, musclés et un peu chauves, petits ou grands

J’adore les hommes mûrs, poilus, ayant pris de l’embonpoint, de taille relativement petite

J’adore les hommes de grande taille qui a la vertèbre comme le pénis et la moelle osseuse comme le sperme

J’adore les hommes aux paupières fendues, qui ont la fracture de jambe, ni petits ni grands

J’adore les hommes qui ont le poignet extrêmement mince

J’adore les hommes qui ont la longue langue

J’adore les hommes de petite taille qui ont une cicatrice de brûlure à la main droite

J’adore les hommes

Alors que c’est la femme que j’aime depuis non moins de quinze ans et avec qui que je veux mourir

J’adore les hommes à part cela

Et puis surtout

J’adore les hommes dont le visage ressemble au mien, c’est-à-dire

Aux pommettes saillantes, aux yeux en amendes qui sont loin l’un de l’autre

J’adore les hommes gentils même s’ils sont parfois rudes

J’abhorre les hommes vieillis aux orbites creuses qui ont la même constitution que moi, c’est-à-dire

Au cérumen poisseux, aux aisselles puantes

Non, je les adore

Non, je les abhorre

Je les abhorrais

Je les adorais

Non, je les adore

Je posséderai par mon esprit mon fils qui naîtra dans un avenir pour avoir le mêmes visage, constitution et caractère que moi

Je l’aime

Bien que je ne l’aie pas encore rencontré

Je l’aime

Puis-je le voir un jour ?


S’ils croissent ou meurent

Bienheureux est l’accouchement

L’accouchement est amusant

Amusant est le bébé

Le bébé danse

Danse le cheval

Le cheval a détruit

Bienheureuse est la destruction

Truie, truie, détruit

Bienheureuses sont destruction et reproduction

Il y a reproductions croissantes

Iya-saka-saka-saka-sano-sano-sa

Il y a citations et références à L’histoire de Komachi de Ôta Shôgo, la fête de Boshita-matsuri de Kumamoto, des lettres à moi de Araki Yoshinobu[4].



[1] Boshita-matsuri. Le nom d’une fête annuelle à Kumamoto dans le sud du Japon à l’île de Kyûshû.

[2] Boshita boshita horoboshita. Le dernier mot veut dire “On a détruit”.

[3] Noms de lieux de Tôkyô.

[4] Photographe japonais.

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mercredi 26 mars 2008

La vie de Takagi Kyôzô (biographie succincte)

Takagi Kyôzô naquit à Aomori en 1903. Elevé dans une situation complexe comme le cadet d'une famille recomposée, il perdit sa mère assez tôt, devenue folle suite à un grand incendie causé par le séisme. Il vécut une enfance solitaire, ayant des problèmes avec sa belle-mère. Il était enfant du choeur, et la vocalisation qu'il a apprise sera utile à sa récitation plus tard. Après être pion d'une école élémentaire à Horodzuki pendant quatre mois, il finit ses études au lycée d'Hirosaki (40 km d'Aomori). Embauché au Journal d'Aomori, il connut le rédacteur chef Fukushi Kôjirô. Kyôzô commence à écrire des poèmes en patois selon le conseil de Fukushi, poète et théoricien du régionalisme littéraire.
Passé à la Mandchourie avec sa femme sans but précis, il reprit ses études à la faculté de médecine. Son épouse Fuchi mourut bientôt du tuberculose. Il se remaria quatre ans plus tard. Cette seconde épouse souffrait beaucoup de l'indifférence sentimentale du poète qui n'écrirait que des poèmes pour sa première femme. Il demanda l’instruction poétique au poète moderniste Anzaï Fuyué qui vivait à Dalian alors. Devenu oculiste, il continua à écrire des poèmes et des romans. Il publia son premier recueil de poèmes Marumero (Coing), dédié à sa femme disparue, en 1931. Le mot marumero est la forme japonisée du mot portugais marmelo. Ce livre imprimé avec une graphie particulière fut le premier essai à écrire des poèmes en patois. Illisible pour la plupart des Japonais, il fut inaperçu à l'époque, et il ne reste aucun exemplaire de cette première édition. La guerre finie, il dut quitter le continent, mais il ne lui eut pas été possible de garder les manuscrits que les renseignements généraux chinois confisquaient.
De retour au Japon, il commença à vivre comme un oculiste, et se remit à écrire. Il réédite ses oeuvres anciennes, dont Marumero, qui eut la collaboration du graveur Munakata Shikô cette fois-ci (1953). Enfin, la troisième édition avec le disque souple qui contenait la récitation du poète (1967) fit connaître cette expérience littéraire sans exemple. Il fut découvert par le poète anglais James Kirkup, qui traduisit ses poèmes en anglais. Il eut plusieurs prix littéraires par la suite.
Tout en restant médecin, il donna plusieurs "concerts" au Japon. Revenu à sa ville natale Aomori à la fin de sa vie, il mourut en 1987. Bien qu'il ait publié plusieurs livres, Marumero reste son oeuvre la plus connue, à laquelle il s'attachait toute sa vie.
Il y a maintenant plusieurs poètes régionaux qui continuent à écrire des poèmes avec leurs dialectes et patois, suivant le chemin montré par Takagi.

vendredi 21 mars 2008

Toni Negri ne peut entrer au territoire japonais

Le philosophe italien Toni Negri allait venir au Japon du 20 mars au 4 avril. L'ambassade du Japon à Paris n'y avait pas trouvé de problème au début, mais elle a soudain changé d'attitude. Pour les sortants de l'Union européenne, le Japon ne demande généralement pas de visa pour un séjour court. (Enfin, c'est ce que je comprends. Désolé, si je me trompe.) Donc, on lui avait dit qu'il n'avait pas besoin de visa, mais Tokyo le lui a demandé de déposer le dossier pour l'obtention du visa le 17 mars. (La loi n'a pas changé pendant ce temps.) Il l'a déposé le jour même dans la hâte, mais le document administratif sur son passé a été exigé le lendemain. Comme Negri se trouve actuellement en France, il ne l'a pas sur lui, donc il devait renoncer à ce voyage. Il lui faut absolument un document qui prouve officiellement que c'était un criminel politique, sans quoi l'immigration japonaise ne peut pas accepter son entrée au Japon. Mais il y a un grand doute que ce document existe vraiment. Le robotisme des fonctionnaires japonais est à déplorer, mais je ne croyais pas qu'il était à tel point. Ce n'est pas le ministère des affaires étrangères, mais le ministère de la justice (auquel la police et l'immigration appartient) qui s'y est opposée.
Au fait, les Japonais sont très souvent allergiques aux "Rouges", malgré le passé qu'ils les persécutaient pendant la Deuxième Guerre mondiale comme les ennemis imaginaires et intérieurs. (Peut-être que l'emploi de la préposition "malgré" n'est pas approprié ici.) Il y a quelques mois, un moine bouddhiste sympathisant communiste a été déclaré coupable de la violation de domicile, pour avoir distribué des tracts du PCJ dans une résidence. Normalement, il n'y a pas de personnes pour porter plainte dans ce cas. Tout simplement, le nom du parti communiste était marqué sur ce qu'il avait dans sa main, quelqu'un a appelé la police pour cela. Je ne dirai pas que la police et le juge soient anticommunistes, car c'est une dégénérescence du raisonnement. (Malheureusement, les bien-pensants de gauche adoptent souvent cette façon de penser.) C'est le robotisme inhumain, qui n'a rien à voir avec idéologie politique, qui doit être mis en cause ici.

Je travaillais pendant un an à l'immigration de Tokyo quand j'étais étudiant. Comme la condition de détention était très mauvaise, même les détenus dont un seul coup de téléphone pouvait résoudre le problème devaient attendre leur tour pendant quelques semaines dans la maison. Il était carrément interdit de le faire, mais il m'arrivait des fois de téléphoner à leur lieu pour les personnes sympathiques, en cachette de chez moi.
Une fois, un Iranien m'a demandé d'appeler sa "petite amie" compatriote qui allait l'aider, donc je l'ai appelée. Au début, elle me posait beaucoup de questions pour savoir qui j'étais, donc je lui ai expliqué sincèrement ce que je faisais pour aider les détenus. Alors, elle m'a répondu. "Vous êtes formidable. Continuez à aider ces gens-là. Mais je suis désolée, pour l'homme dont vous parlez, c'est une exception. Il le dit à tout le monde, mais il n'a jamais été mon petit ami, il me harcèle depuis tout le temps en revanche. C'est moi qui l'ai dénoncé à l'immigration, car je ne pouvais plus le supporter. Mais ce que vous faites est bien, il faut que vous continuiez à le faire." Cette histoire m'a carrément déprimé, surtout parce que cette femme était vraiment sincère et sympathique au téléphone. Comment je peux cerner les psychopathes harceleurs de leur physique? Il avait l'air normal pourtant. Je ne savais plus, donc d'un coup je n'ai plus jamais accepté de donner un coup de main comme ça, à moins que je ne fournisse un petit goûter pour les détenus sympa.
L'immigration japonaise a jeté Paul MacCartney dans cette prison pour un petit bout de H. Les Japonais appliquent la loi à tout le monde sans jamais tenir compte des particularités des personnages. Ni le musicien ni le philosophe mondialement connus ne font pas d'exceptions. Il y a très peu de gens comme moi qui n'hésitent pas à montrer la préférence au travail. (J'admets que ce n'est pas quelque chose à se vanter.) C'est pour cela que je dis que le policier et le juge pour l'affaire du moine rouge ne doivent pas forcément être anticommunistes. Ils sont trop impartiaux jusqu'à frôler le soupçon d'être des robots.

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jeudi 20 mars 2008

Coing (poème de Takagi Kyôzô)

Coing - Le rêve du moment du décès de Fudji

Je passais le sentier étroit dans les herbes mortes lorsque je trouvai un coing tombé dans la boue. Mon cousin mort y mangeait une boulette de riz. Je voulus ramasser le coing, mais je n'y arrivai pas quoi que je fasse......

Ah! il doit neiger maintenant aussi dans mon pays.


***

Fudji (Fuchi) est la femme du poète, décédée très jeune. Le recueil de poèmes "Marumero" (Coing) est dédiée à sa mémoire. Tous les morceaux que j'ai traduits sont tirés de ce livre.

Comme la traduction de ces poèmes est assez hâtive, j'attends vos conseils, suggestions et commentaires, même si vous ne parlez ni japonais ni tsugaru :)
Vous pouvez consulter la version originale au lecteur sur MySpace (Cliquez sur le bouton "Lyrics").

L'article précédent: Trois poèmes de Takagi Kyôzô

Trois poèmes de Takagi Kyôzô

Elle, ce jour-là...

Sur le sentier où on allait ramasser les bourgeons,
Je me souviens, là-bas, une tourterelle roucoulait.
Au marécage où on allait prendre les pétasites,
Je me souviens, là-bas, un coucou chantait.

Au bord de la rivière où elle m'a répondu pour la première fois,
Sentait l'odeur des roses sauvages,
Dans le bois des pins où elle m'a entendu,
Je me souviens, un tarin des aulnes gazouillait.

Ah! maintenant que tout ça commence à ternir,
A ce crépuscule dans le centre de Tokyo avec sa circulation mouvementée,
Ce que je comprends au fur et à mesure avec le temps est
Ses sentiments qui faisaient jeter les pétales du pissenlit
Une par une, une par une,
A elle, ce jour-là, sur le chemin de retour du bois.


***

Tourterelle orientale

Pétasites japonais

La jeune pousse et le tige sont comestibles. Cette plante ressemble fort à la rhubarbe.

☆☆☆

Eclair sur la rizière

Les grenouilles coassent et il y a éclair sur la rizière,
Mais elle ne sort pas encore.
Il finit par pleuvoir et je suis trempé comme une soupe,
Mais je ne veux plus bouger d'ici à tout jamais.

Comme la pluie se fait violente peu à peu,
Les grenouilles ne coassent plus,
Et il paraît que la nuit tombe,
La lumière de chez elle s'est éteinte.

☆☆☆

L'existence - La nuit du jour du mariage -

Ca, ce n'est que le vent,
C'est les peupliers qui font ce bruit.
Pleure pas.
Pleure pas.
As-tu déjà vu une nouvelle mariée pleurer comme ça?
Pleures-tu puisqu'on n'a pas un sou?
Pourquoi doit-on fêter un mariage aussi misérable?

(C'est comme si tout nous avait été prodigué.)

Même si nos corps maigres se touchent,
Ca ne chauffe pas du tout.
Ah! nous deux,
Nous sommes telles les mouches qui soustraient la lumière du jour.
Fréquenteras-tu le bureau dès demain, habillée de jupe violette et de manteau noir, toi aussi?
On est nouveau mari et nouvelle mariée misérables.
Pleure pas.
Pleure pas.
Il n'y a rien d'effrayant.
Ca, ce n'est que le vent,
C'est les peupliers qui font ce bruit.

L'aube (poème de Takagi Kyôzô)

Ca doit être maman qui fait ce bruit en faisant pipi debout.

Papa est rentré, tout couvert d’écailles,
En sortant du brouillard.

C’est une bonne pêche!

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La tempête de neige (poème de Takagi Kyôzô)

Les enfants,
Allez faire dodo tout de suite!

Eh!
Ca, c'est le hurlement du loup blanc
Qui court dans les parages.
Mamie et papy morts vous guettent
Du coin du grenier.

Les enfants,
Allez faire dodo tout de suite!


***

C'est une particularité étrange de ma région: Les berceuses font peur aux enfants. Ce court poème et son ton puisent l'inspiration de cette tradition populaire.

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mercredi 19 mars 2008

Quatre poèmes de Takagi Kyôzô

(Cliquez sur le titre pour écouter la récitation. Le site est MySpace.)

Calendrier noir de suie (Susukeda koyomi)

Le jour où est partie ma soeur, mariée,
Les fruits de l’éléagnus étaient tout rouges dans le jardin,
Et le jour où est partie maman, morte,
La neige humide tombait, me semble-t-il.
Le moment où est parti papa, mort,
Etait le temps où le gel fondait sur le toit,
Et le soir où je suis parti de chez moi,
Il y avait feux d’artifice du kermesse au ciel.

***

Eléagnus













☆☆☆

Mauvaise récolte (Kegazu)

Cette pluie froide tout prête à changer en neige, et cet épi maigre.
Néanmoins, je dois battre le bidon pour chasser les moineaux piaillards.
Il paraît que la mer s’agite, une volée de mouettes vient criailler.
Papa, au visage étourdi, ne fait que relire les lettres de sa fille partie à la filature,
Maman veut encore cuire les bouts de patates ramassés au champ, mais il n'y a pas suffisamment de feu dans le foyer qui fume,
Et il n’y a plus d’allumettes.
La fumée s’étend dans toute la maison et le bébé crie à tue-tête, ce sera une soirée chiante encore une fois...

***

Les jeunes filles travaillaient à la filature de soie sous condition pitoyable. La soierie était la première industrie au Japon pendant longtemps. Comme les magnaneries se situaient au nord de la région du Kantô (Centre-Est dont le chef-lieu est Tôkyô), les jeunes filles de la région pauvre du Nord-Est devaient partir au loin pour travailler. Cette histoire fait partie de la littérature populaire des Japonais modernes.

☆☆☆

Mouette (Gomé)

Tu vois que la mer s'agite,
On dit que la pêche est maigre.
Mais maman où est-elle partie?
Le bébé pleure dans le séjour.
Pourquoi ne pas allumer la lampe?

☆☆☆

Caillou (Ishiko)

Esprit tordu,
Caillou qui se tait même écrasé.

Si je restais silencieux, ne serais-je pas caillou un jour?

Une vie dans l'égout qui ferait pulluler les vers.

N'y a-t-il personne pour me jetter là-haut vers le ciel?

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vendredi 14 mars 2008

Drapeau contre le vent (poème de TAKAGI Kyôzô)


Drapeau battant au bout du mât,
C'est l'heure de quitte ma ville natale.
Le vent fondant la neige se fait froid à mes oreilles,
Les branches nues de la saule pleureuse tremblotent sur la rive.
Ah! là-bas, il n'y a pas une ombre pour me souhaiter bon voyage,
Et le toit du temple brille au loin.
Ah! la ville où je suis né!
Ceci est un berceau désormais trop petit pour moi.
Regarde la face de cette ville glaciale.
Elle ricane telle une marâtre.
Ah! j'aimerais tout rejeter mais...
Drapeau flottant!
J'ai un je ne sais quel ressentiment
Qui couperait mon doigt.

Le sifflet a sonné.
Maintenant, tout est fini.
La proue tourne pour montrer sa poupe à ma ville.
Fort est le vent une fois au large.
Ah! drapeau battant,
Déchire-toi et envole-toi
Vers la mer criante!

***

Poète sur le point de quitter la ville d'Aomori.

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mardi 11 mars 2008

Village sans soleil (poème de TAKAGI Kyôzô)


Village sans soleil - A Horodzuki, péninsule de Tsugaru


Est-ce que le soleil a brillé
Une seule fois sur ce village ?

Les assises de la maison sont toutes rongées par les bestioles
Et il paraît qu'elle s'incline vers la mer, l'arrière écrasé par la haute montagne écrasante.
Regarde
Le mont Madsumé là-bas sous le soleil.
Est-ce que cette belle lumière a éclairé
Une seule fois notre village?
Tout le monde sent la pauvreté.
Leur corps sent le poisson.
Les jeunes se sont tous enfuis d'ici.
Il ne pullule que des pépés et mémés dont on dirait que ce sont les algues qui poussent à leurs têtes.
Ah! nos fils qui sautaient dans la mer comme les dauphins,
Où sont-ils passés?
Tout ce qui est rejeté dans la rue est les coquilles d'autrefois.
Un seul arbre pousserait-il si les arêtes de poisson pourrissaient?
Il ne traîne que le brouillard matin et jour,
Et la nuit, les morts sanglotent au large.

Aomori est la région la plus pauvre du Japon, et le revenu moyen n'est que la moitié de Tokyo même maintenant. J'habite dans une grande ville, mais les petits villages au nord de la péninsule de Tsugaru comme Horodzuki sont complètement privés d'agréments modernes. Le mont Madzumé (Matsumaé) se trouve à l'île de Hokkaïdô, plus riche qu'Aomori. Le poème date de 1931, mais presque rien a changé.

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Ce ne sont pas des haïkus

D'abord, je cite un exemple de haïku libre d'Ozaki Hôsaï (1885-1926).
咳をしてもひとり

Même si je tousse, je suis seul.

Séki-o shi-té-mo hitori. (9 syllabes)
Hôsaï était un alcoolo solitaire qui souffrait de tuberculose.
Emu par ce haïku, Tanéda Santôka (1882-1940), l'autre représentant de ce courant du haïku libre, répliqua à Hôsaï.
からすないて私もひとり

Corbeau croasse et moi aussi, je suis seul.

Karasu naï-té watashi-mo hitori. (13 syllabes)
Le premier est beaucoup mieux que le second sans conteste, mais cela ne veut pas forcément dire que Hôsaï soit un meilleur poète que Santôka, poète vagabond, beaucoup plus ouvert que Hôsaï, ermite à la fin de sa vie.

La poésie japonaise a connu un renouveau moderniste presque en même temps que ces deux haïjin (poète de haïku). Même si la poésie moderniste ressemble au haïku, il faut que vous compreniez qu'elle soit indépendante du renouveau du haïku, mouvement solitaire qui n'a pas eu de portée culturelle auprès des poètes contemporains. Par contre, ce modernisme japonais était une réponse de l'Extrême-Orient aux poètes occidentaux comme les futuristes et les imagistes.
Le poème moderniste le plus connu est d'Anzaï Fuyué (1898-1965).
春 Le printemps
Haru

てふてふが一匹韃靼海峡を渡っていつた。

Un papillon traversait le détroit de Tartarie.

Chôchô-ga ip-piki Dattan-kaïkyô-o watat-té it-ta.
La grande différence avec le haïku est que la poésie moderniste a un titre, "Le printemps" pour celle-ci. Le détroit de Tartarie se situe entre l'île de Sakhaline et le continent.
Kitagawa Fuyuhiko (1900-1990), ami d'Anzaï, était doué pour ce genre de poèmes courts. Ces deux habitaient la Chine à l'époque. Je cite son poème le plus connu.
Le Cheval
Uma

軍港を内蔵している。

Contient le port militaire.

Gunkô-o naïzô-shi-té-iru.
Ce poème énigmatique a suscité beaucoup de discussions, mais il ne s'agit pas de métaphore ici. Le poète se trouvait sur la colline au bord de la mer, et il contemplait le port militaire. Là, un cheval apparut, et il entrava sa vue.
Takahashi Shinkichi (1901-1987) fut le premier poète dadaïste au Japon. C'est le seul poète au monde qui ait pratiqué le dadaïsme bouddhique autant que je connaisse.
るす L'absence
Rusu

留守と言へ
ここには誰も居らぬと言へ
五億年経つたら帰つて来る

Dis qu'on est absent
Dis qu'il n'y a personne ici
Je reviendrai dans cinq cent millions d'années.

Rusu-to ié / Koko-ni-wa daré-mo ora-nu-to ié / Go-oku-nen tat-tara kaét-té kuru
Je cite le poète de ma ville Takagi Kyôzô (1903-1987) pour finir. Takagi sensei commença à écrire des poèmes sous l'influence du modernisme, mais il s'est fait connaître par Marmelo (Coing), le premier recueil de poèmes écrits en patois.
百姓 Le paysan
Hyakushô

吾の鼻穴がら
蝗コアはねだでばせ

Tu vois,
La sauterelle est sortie de ma narine.

Wa-no hanaana-gara / Torabo-koa hané-da débasé
L'oeuvre de Takagi continue à inspirer les poètes des provinces japonaises qui souffrent toujours de la centralisation excessive.

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samedi 8 mars 2008

Japonais fous d'Obama

Les Japonais sont fous d'Obama. Mais cela ne veut pas dire qu'ils soutiennent le Parti Démocrate (tout en restant au Japon), et qu'ils aient la préférence pour lui. Ils s'en foutent complètement. Le système sociétal a réussi a faire pousser l'indifférence politique des Japonais jusqu'à ce qu'ils ne se rendent plus compte qu'Obama est un homme politique. Tout simplement, il y a une petite ville qui s'appelle Obama au bord de la mer du Japon. C'est l'homonymie, non pas l'homme, qui les intéresse, c'est tout. La ville d'Obama fait beaucoup d'Obama goods (ouais, on est au Japon...), en commençant par le Obama T-shirt comme c'est promis, jusqu'à Obama manjû (gâteau fourré), Obama hamburger (avec le poisson de la région)... Les habitants d'Obama veulent qu'on choisisse leur ville comme le lieu des G7, car les G7, c'est les Etats-Unis et leurs acolytes pour les Japonais (généralement, ils n'ont aucune idée de la politique internationale, et je n'exagère pas)... La ville s'appelle Obama, alors elle n'aura aucune chance d'être choisi pour le Sommet, s'il sera le chef d'Etat d'un pays participant. S'ils y réfléchissaient avec un peu de sang-froid, ils le comprendraient. Bon, ce phénomène a l'air anodin, et il y a même des journalistes étrangers qui viennent faire un reportage rigolot. Il paraît que tout le monde est content. Mais est-ce que c'est vraiment anodin? Je n'y crois pas.
Déjà, cette indifférence politique presque cynique ne peut être quelque chose de bien. Et puis, je ne crois pas du tout qu'ils feraient la même chose, si une ville japonaise avait le même nom qu'un candidat caucasien à la présidentielle américaine. Ils croient montrer la sympathie à l'égard de Barack Obama, mais au fond d'eux, ils ont un mépris racial, bien qu'inconscient. Les Japonais étaient fiers d'être "blancs d'honneur" sous l'apartheid sud-africain. Ils montrent seulement le manque de ce fameux respect japonais, pourtant habituel à eux, à l'égard d'Obama. C'est un pays où un journaliste qui présente une émission politique depuis plus de vingt ans ose prononcer au petit écran: "Je ne dois pas le dire, mais Obama est noir." Oui, tu ne dois pas le dire, car j'ai honte qu'un beauf franchouillard à la sauce de soja soit un journaliste reconnu de mon pays. Vous vous demandez peut-être: "Comment ça? Les Japonais n'ont pas la solidarité des gens de couleur?" Mais non. Depuis que Fukuzawa Yukichi, le penseur fondateur de l'idéologie du Japon moderne, a dit qu'il fallait que le Japon soit un pays européen et qu'il sorte de l'Asie, les Japonais véritablement schizophrènes se prennent pour Occidentaux. Je dois dire que ce n'est pas quelque chose de ridicule en soi, et ce fondement idéologique n'est pas loin de la latinisation de Kemal Pacha pour les Turcs. Le journal Marianne s'est moqué une fois de Bolkestein qui a déclaré qu'il était contre la permission d'entrée du Japon à l'UE, tout en s'abstenant de prononcer sur le problème turc, mais c'est une question sérieuse pour certains Japonais.
Je dois ajouter que ce qu'a dit Fukuzawa n'était pas vraiment stupide. Dans les circonstances historiques où il vivait, il a jugé que l'Europe était un continent des pays indépendants, et l'Asie leurs colonnies. S'il a dit qu'il fallait que le Japon soit un pays européen, cela voulait dire qu'il devait garder son indépendance, et sa pensée a bien eu une utilité historique dans la situation urgente juste après l'ouverture des frontières du pays. Mais maintenant, les soi-disant héritiers de la pensée de Fukuzawa ne comprennent plus ce que le penseur voulait dire, tout comme les islamistes qui insistent à comprendre le Coran à la lettre, voire à leur façon arbitraire.
Personne n'est conscient de ce racisme subreptice des Japonais envers la personne d'Obama, même ces journalistes américains et européens qui viennent parler de la fièvre de la ville d'Obama, qui se moquent à leur tour, consciemment ou non, de la niaiserie des Japonais, fous d'Obama, mais qui ne comprennent rien du tout à la politique.

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mardi 4 mars 2008

Fleurs de colza

Le poète de haïku le plus connu est sans conteste Matsuo Bashô (1644-1694), mais on a le droit de lui préférer un autre haïjin. Par exemple, Hagiwara Sakutarô (1886-1942), le poète japonais qui a innové la poésie contemporaine, injustement méconnu en France (en tout cas, quel poète japonais contemporain est connu en France?), n'a apprécié que Yosa Buson (1716-1784) comme un poète de haïku.
Contrairement à Bashô qui avait une grande notoriété déjà dans sa vie, Buson était considéré comme un haïjin de second rang jusqu'à ce qu'il ait été redécouvert par Masaoka Shiki (1867-1902). Selon Sakutarô, les haïkus de Buson font penser à la peinture occidentale pleine de couleurs vives, alors que ceux de Bashô sont d'encre de chine. Comment qualifie-t-on généralement les haïkus de Buson? Sakutarô fait le bilan.

  1. Les haïkus de Buson sont réalistes et impressionistes à la fois.
  2. Buson est plus technique que Bashô inspiré.
  3. Bashô est un poète de la vie, alors que Buson est un poète du paysage.
  4. Bashô est un haïjin subjectif, alors que Buson est un haïjin objectif.
Sakutarô est d'accord avec cette analyse, mais il réfute le point de vue que Buson est inférieur à Bashô à cause du manque de profondeur humaine.
Pour ma part, je vais tenter l'analyse phonétique d'un haïku de Buson, comme j'ai déjà fait avec le haïku de Shiki sur le kaki du temple Hôryûji.
Fleurs de colza. La lune est à l'est, le soleil à l'ouest.
菜の花や 月は東に 日は西に
Nanohana-ya tsuki-wa higashi-ni hi-wa nishi-ni
Nanohana (fleurs de colza); ya (particule de césure qui montre l'émotion: ah!); tsuki (la lune); wa (particule pour l'opposition dans ce cas); higashi (l'est); ni (particule du locatif); hi (le soleil); nishi (l'ouest).
On imagine la scène ainsi. Le poète se promène dans la campagne un peu montagnarde. Mais un champ vaste de colza appraît soudain devant ses yeux. L'heure est crépuscule. Il regarde la lune et puis le soleil couchant. On doit imaginer le mouvement de son regard. Une sorte de travelling: un peu en bas juste devant ses yeux, un peu en haut et à droite, et puis à gauche. La couleur dominante est le jaune assombri par le crépuscule.
Buson commence ce haïku par la voyelle claire a: nanohanaya. 4 sur 5 voyelles sont le a. Cette voyelle évoque la lumière restante, douce et printanière. Mais la répartition des voyelles des sept syllabes prochaines est ainsi: 2 a, 4 i et 1 u. La voyelle i croissante annonce le coucher du soleil. Cette voyelle sombre occupe 4 syllabes sur 5 pour la troisième partie.
Ainsi, ce haïku décrit-il phonétiquement la gradation du coucher du soleil et sa couleur changeante.

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samedi 1 mars 2008

Quelques mots japonais mal traduits

Haï ne veut pas dire "oui".
Certains reprochent l'ambiguïté des Japonais, en disant que leur "oui" ne veut jamais dire "oui". Ce reproche est injuste parce que c'est la traduction qui est mauvaise. La faute appartient à la personne qui a fait répandre cette traduction. Le mot japonais "haï" est une réponse qui veut dire "J'ai bien entendu ce que tu m'as dit". Il est vrai que les Japonais pseudo-francophones traduisent tout simplement "haï" dans leur tête par le mot oui, ce qui engendre la confusion.
Tu demandes à un Japonais "Tu peux me prêter un peu d'argent?", et il te répond par un "oui". Cela ne veut pas dire qu'il te prête l'argent. Il te répondrait "Je t'écoute", s'il était conscient de ce problème de traduction.

Sayônara ne veut pas dire "Au revoir".
Déjà, ce n'est ni "Bonjour" ni "Salut".
L'emploi de ce mot est délicat. Dans les situations où une certaine formalité est exigée, ce mot veut dire "Au revoir" en effet. Mais si ta petite amie te dit Sayônara, cela veut dire "Adieu, c'est fini entre nous". Mais on ne peut pas généraliser, car ça dépend des personnes au fond. En tout cas, si quelqu'un utilise ce mot pour la personne qu'il connaît très bien intimement, il y a souvent une nuance de plaisanterie (ou bien une sorte de gêne). Pour dire "Au revoir" en japonais, "Sorédéwa mata" (A la prochaine fois) est préférable.

Konnichiwa n'est pas un mot passe-partout.
D'abord, il faut utiliser Ohayô (gozaïmasu) dès le réveil jusqu'à midi, et Konban'wa dès le coucher du soleil jusqu'à l'heure du sommeil. Donc, on ne dit pas Ohayô à une heure du matin, mais on dit Konban'wa. Mais même pendant la journée où le mot Konnichiwa est censé être utilisé comme une salutation, on doit le prononcer avec précaution.
Il y a une certaine familiarité, gênante pour certains, dans cette salutation. Si tu veux adresser la parole à un Japonais dans la rue, lui dire Konnichiwa est plutôt malpoli. Si tu veux absolument lui parler japonais, tu lui dis "Sumimasen", qui veut dire "Excusez-moi, je vous demande pardon". Mais la meilleure façon par-dessus tout est de lui dire "bonjour" en français, si vous vous trouvez dans un pays où on parle français. Si vous êtes au Japon, vous dites "Sumimasen".
Le mot passe-partout en japonais est plutôt "Dômo", dont la signification est à peu près "Je ne sais que dire". Il peut remplacer bonjour, au revoir et merci. Mais malheureusement, il ne peut être utilisé comme un mot que tu adresses à un passant. Le mot recommandé dans ce cas est toujours "Sumimasen" (se-mi-ma-sé-n).

Itadakimasu ne veut pas dire "Bon appétit".
Ce mot veut dire "Je prends la chose que vous m'offrez avec humilité". La chose peut être un repas, mais elle peut être également une récompense à votre service. Ainsi, c'est les convives qui disent "Itadakimasu", mais jamais le serveur (ce serait absurde). Celui-ci peut dire aux invités "Dôzo méshiagaré", "Veuillez accepter de prendre ce repas".