mardi 11 mars 2008

Ce ne sont pas des haïkus

D'abord, je cite un exemple de haïku libre d'Ozaki Hôsaï (1885-1926).
咳をしてもひとり

Même si je tousse, je suis seul.

Séki-o shi-té-mo hitori. (9 syllabes)
Hôsaï était un alcoolo solitaire qui souffrait de tuberculose.
Emu par ce haïku, Tanéda Santôka (1882-1940), l'autre représentant de ce courant du haïku libre, répliqua à Hôsaï.
からすないて私もひとり

Corbeau croasse et moi aussi, je suis seul.

Karasu naï-té watashi-mo hitori. (13 syllabes)
Le premier est beaucoup mieux que le second sans conteste, mais cela ne veut pas forcément dire que Hôsaï soit un meilleur poète que Santôka, poète vagabond, beaucoup plus ouvert que Hôsaï, ermite à la fin de sa vie.

La poésie japonaise a connu un renouveau moderniste presque en même temps que ces deux haïjin (poète de haïku). Même si la poésie moderniste ressemble au haïku, il faut que vous compreniez qu'elle soit indépendante du renouveau du haïku, mouvement solitaire qui n'a pas eu de portée culturelle auprès des poètes contemporains. Par contre, ce modernisme japonais était une réponse de l'Extrême-Orient aux poètes occidentaux comme les futuristes et les imagistes.
Le poème moderniste le plus connu est d'Anzaï Fuyué (1898-1965).
春 Le printemps
Haru

てふてふが一匹韃靼海峡を渡っていつた。

Un papillon traversait le détroit de Tartarie.

Chôchô-ga ip-piki Dattan-kaïkyô-o watat-té it-ta.
La grande différence avec le haïku est que la poésie moderniste a un titre, "Le printemps" pour celle-ci. Le détroit de Tartarie se situe entre l'île de Sakhaline et le continent.
Kitagawa Fuyuhiko (1900-1990), ami d'Anzaï, était doué pour ce genre de poèmes courts. Ces deux habitaient la Chine à l'époque. Je cite son poème le plus connu.
Le Cheval
Uma

軍港を内蔵している。

Contient le port militaire.

Gunkô-o naïzô-shi-té-iru.
Ce poème énigmatique a suscité beaucoup de discussions, mais il ne s'agit pas de métaphore ici. Le poète se trouvait sur la colline au bord de la mer, et il contemplait le port militaire. Là, un cheval apparut, et il entrava sa vue.
Takahashi Shinkichi (1901-1987) fut le premier poète dadaïste au Japon. C'est le seul poète au monde qui ait pratiqué le dadaïsme bouddhique autant que je connaisse.
るす L'absence
Rusu

留守と言へ
ここには誰も居らぬと言へ
五億年経つたら帰つて来る

Dis qu'on est absent
Dis qu'il n'y a personne ici
Je reviendrai dans cinq cent millions d'années.

Rusu-to ié / Koko-ni-wa daré-mo ora-nu-to ié / Go-oku-nen tat-tara kaét-té kuru
Je cite le poète de ma ville Takagi Kyôzô (1903-1987) pour finir. Takagi sensei commença à écrire des poèmes sous l'influence du modernisme, mais il s'est fait connaître par Marmelo (Coing), le premier recueil de poèmes écrits en patois.
百姓 Le paysan
Hyakushô

吾の鼻穴がら
蝗コアはねだでばせ

Tu vois,
La sauterelle est sortie de ma narine.

Wa-no hanaana-gara / Torabo-koa hané-da débasé
L'oeuvre de Takagi continue à inspirer les poètes des provinces japonaises qui souffrent toujours de la centralisation excessive.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci bien pour les traductions en français et les découvertes de poètes !