vendredi 29 août 2008

Fan d'Auschwitz (poème d'ITOH Hiromi)

Fan d’Auschwitz


Étaient entassés
Préjugés généraux des Européens
Agressivité générale des Européens
Sentiment menacé des Européens généraux
Sensations et moyens de vie généraux
Sous la forme des tas de cheveux ou de chaussures
La couleur était ternie dans la vitrine
Comme ils sont conservés à température et humidité appropriées
La matière ne s’altère pas même si l’apparence change de couleur
C’est une généralité
Jamais particulière
Préjugés traditionnels des Européens
Agressivité traditionnelle des Européens
Sentiment menacé des Européens traditionnels
J’ai vu l’entassement
Comme si je regardais une œuvre
C’est une
Œuvre dont
Les innombrables parties
S’accumulent les unes après les autres
Et se réunissent
Très obscènes
Grotesques
Que la culture européenne a créées
J’ai vu l’entassement
Comme si je regardais un tableau

Une face de chambre est faite de vitrine, où sont entassés les cheveux. Ce sont des amas dont l’arrière est haut et l’avant est bas. Un ami qui m’accompagnait se demanda si le support était oblique. Ces innombrables cheveux étaient de petits tas ronds et rebondis pour chaque personne, certains étaient tressés, et ces tas ronds et rebondis d’innombrables cheveux avaient tous la même couleur brunâtre. Ont-ils rassemblé les objets de la même couleur ou ont-ils terni d’une même façon ? L’étoffe tissée par les cheveux avait l’air du chanvre banal. Les franges des côtés étaient de cheveux.
En regardant les prothèses de jambe entassées, je pensai que la direction du musée exposerait mains et jambes conservées, si les nazis avaient senti le besoin de les garder.
Les chaussures sont entassées à travers deux salles. Les nom et prénom sont inscrits à chaque chaussure. Le nom évoque l’individu. Comme on peut distinguer plus clairement l’un avec l’autre que prothèses de jambe, chaussure et cheveux, il y a moins d’obscénité.

Brosses à cheveux, brosses à dents
Cuvettes, pichets
Plus près du corps
Moins je ne peux m’affronter
Je veux voir
L’obscénité augmente
Les objets corporels de chaque individu
S’assemblent
En quantité innombrable
Ces objets corporels rassemblés
Sont d’une obscénité immense
Besoin général de l’être humain, plaisir
Et objets corporels rassemblés sont devant mes yeux
Je les fixe
Ils ne sont pas dissimulés
Les choses que les nazis ont recueillies avec une intention
Sont entassées
Et montrées
Il me semble
Qu’un crime non dissimulé n’est pas un crime
Au moment de la fin de guerre
Les tierces personnes (Européens) ont jugés les criminels (Européens)
Saisis et entassés
Cheveux, prothèses de jambe, chaussures, sacs
Que ceux-ci a recueillis et disposés avec une intention
Les objets dont les propriétaires ont changé l’un après l’autre et puis disparu
Entassés
Expriment
Ainsi
Le grotesque des criminels
Ainsi
Le grotesque des tierces personnes

Parmi tous les bâtiments, les pavillons 4, 5, 6, 7 et 11 sont ouverts et exposés au public. Il y a des photos sur les murs du couloir ni clair ni chaud qui va de l’entrée jusqu’au fond de ces pavillons 5, 6 et 7. Le visage qui regarde en face, rasé et sans chapeau, est dans le cadre de la taille d’à peu près A5, nom et prénom, date de naissance, profession, dates d’entrée et du décès sont inscrits à la main en bas. Lorsqu’on entre au pavillon 6, sortant du pavillon 5, il y a encore des photos sur les murs. Il y en a encore au pavillon 7. Le nombre est énorme. La collection dans la salle est d’une série de photos de face, de profil, et de trois quarts. Seule la photo de trois quarts est avec la casquette pour les garçons, et l’écharpe pour les filles, ce qui nous permet d’identifier le sexe. On aperçoit un grand clou pour soutenir la tête rasée sur le profil. Je choisis les personnes au beau visage, et je lis nom et prénom, profession, pour connaître les individus. Je fais la soustraction pour mesurer le temps entre l’entrée au camp et la mort de la personne. Il y a des gens qui n’ont vécu que quinze jours. Il arrive que je me dise que la personne a vécu non moins de huit mois. Les exemples innombrables me lassent de lire chaque donnée. Je les ai lues relativement avec soin au pavillon 5, mais je n’ai fait que parcourir le tout aux pavillons 6 et 7.

Le brouillard apparut le 5 mars, et la vue blanchoya. Il n’y eut presque plus de neige. Le vent fort souffla. La plupart des champs cultivés légèrement mouvementés était morts, mais la verdeur occupait quelques pour cent.

Il plut le 6 mars, les environs se transformèrent en marécage. L’eau de neige et de pluie restaient dans les creux du champ et aux côtés de la route. Des tas de pailles et des herbes mortes étaient trempés dans une sorte d’étang.

Replika de Jozef Szajna fut représenté dans un endroit réduit à la structure d’un gymnase. Le centre est la scène, et l’amphithéâtre l’entoure. Des tas de papiers journaux et de chiffons sur le sable étendu. Des poupées délabrées sont dressées dans les alentours. D’abord, les prisonniers sortent rampants des papiers journaux et des chiffons, grouillent en gémissant, tripotent les poupées. Un homme quinquagénaire apparaît avec une tenue qui met son corps en relief. Son mouvement puissant. Il traîne le tissu sur lequel sont imprimées les séries de photos, de face, de profil, et de trois quarts. Il lance des objets fumeux dans la tribune, il tire les poupées en bas, il éparpille les photos déchirées comme confettis aux spectateur en hurlant. J’en ai ramassé une pour y trouver le visage d’un prisonnier qui regardait en face. Aucun mot polonais n’est prononcé. Je crois que la fumée, le sable, les photos éparpillées et les prisonnier dénoncent, bien sûr. Mais l’intérêt de Shajna, l’émotion de Shajna, est dans les membres déchirés, les corps entassés, la chambre à gaz. Moi, je le vois, et je suis ému par ce fait.

Je vois les différences selon les individus sur les photos jetées
Je vois le quotidien, la douleur, et l’espoir des individus
Mais les photos dispersées les unes après les autres
Remplissant la tribune avec leur grand nombre
Ecrasent les individualités
Par leur cumul
J’y suis allée pour voir les objets entassés
En Pologne, on ne dit pas Auschwitz mais
Oświęcim
Je vais en bus pour Oświęcim
Le bus s’arrête aussi devant le musée hors de la ville d’Oświęcim
Les objets qui y sont exposés sont
Ce que les nazis ont recueilli parce qu’ils le voulaient
Ce que les tierces personnes ont exposé parce qu’elles le voulaient

Poème publié en 1985, traduit de japonais par moi.

J'ai déjà traduit deux poèmes "sexuels" de cette poétesse qui excellait à la provocation. Ce poème dont le titre est déjà un scandale a été écrit à la même période. Mais il n'est nullement moqueur ni antisémite. Elle dit que le musée d'Auschwitz est obscène, parce qu'il annihile les individualités des morts, et y oppose sa curiosité de femme d'une façon autodérisoire.

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