samedi 26 avril 2008

Quand j'étais la plus belle (poème d'IBARAGI Noriko)

Quand j'étais la plus belle
IBARAGI Noriko

Quand j'étais la plus belle,
Les villes s'écroulaient à grand bruit,
Il arrivait qu'on voyait le ciel
D'un côté saugrenu.

Quand j'étais la plus belle,
Beaucoup moururent dans mon entourage.
Je perdis l'occasion de me maquiller
A l'usine, à la mer, à l'île sans nom.

Quand j'étais la plus belle,
Personne ne m'offrit de cadeaux tendres.
Les garçons ne connaissaient que le salut militaire,
Et ils partirent tous en ne laissant que le beau regard.

Quand j'étais la plus belle,
Ma tête était vide,
Mon coeur était endurci,
Seuls mes membres brillaient marrons.

Quand j'étais la plus belle,
Mon pays perdit la guerre.
Qu'est-ce que cette connerie?
Je marchai fièrement dans la ville humiliée en relevant les manches de ma chemise.

Quand j'étais la plus belle,
Le jazz déferlait de la radio.
Dans un vertige comme si j'arrêtais de fumer,
Je dévorai la douce musique étrangère.

Quand j'étais la plus belle,
J'étais très malheureuse,
J'étais très confuse,
J'étais trop solitaire.

Donc j'ai décidé. De vivre le plus longtemps possible.
J'ai peint de très jolies peintures dans ma maturité.
Comme le Français Papy Rouault.
N'est-ce pas?

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