vendredi 2 janvier 2009

Voisins solidaires

Tout d'abord, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2009.



とんとんとんからりんと隣組

隣組 Tonarigumi

とん とん とんからりと 隣組 Ton, ton, tonkarari-to tonarigumi
格子を開ければ 顔なじみ Kôshi-o akéré-ba kao-najimi
回して頂戴 回覧板 Mawashi-té chôdaï kaïranban
知らせられたり知らせたり Shirasé-raré-tari shirasé-tari

とん とん とんからりと 隣組 Ton, ton, tonkarari-to tonarigumi
あれこれ面倒 味噌醤油 Aré-koré mendô miso shôyu
ご飯の炊き方 垣根越し Gohan-no takikata kakinégoshi
教えられたり教えたり Oshié-raré-tari oshié-tari

とん とん とんからりと 隣組 Ton, ton, tonkarari-to tonarigumi
地震やかみなり 火事どろぼう Jishin-ya kaminari kaji dorobô
互に役立つ 用心棒 Tagaï-ni yakudatsu yôjinbô
助けられたり助けたり Tasuké-raré-tari tasuké-tari

とん とん とんからりと 隣組 Ton, ton, tonkarari-to tonarigumi
何軒あろうと 一所帯 Nan-gen arô-to hito-shotaï
こころは一つの 屋根の月 Kokoro-wa hitotsu-no yané-no tsuki
纏められたり纏めたり Matomé-raré-tari matomé-tari

Voisins solidaires

Toc, toc, c'est les voisins solidaires.
Quand vous ouvrez la porte, vous voyez un visage connu.
Faites circuler le bulletin.
On informe et on est informés.

Toc, toc, c'est les voisins solidaires.
Etes-vous court des épices?
Je vous dirai comment cuire le bon riz.
On renseigne et on est renseignés.

Toc, toc, c'est les voisins solidaires.
Séisme, foudre, incendie, voleurs.
On est tous des gardes de corps serviables.
On aide et on est aidés.

Toc, toc, c'est les voisins solidaires.
C'est un foyer combien de maisons qu'il y ait.
Nos cœurs s'unissent pour la lune sur le toit.
On organise et on est organisés.

 Les Voisins Solidaires (Tonarigumi) étaient le système d'aide mutuelle, décrété par le Ministère de l'Intérieur en 1940. C'est un tube de cette année-ci, dont le texte est d'Okamoto Ippei, un des premiers dessinateurs de manga moderne, qui est plutôt connu comme le mari de la romancière Okamoto Kanoko, et le père d'Okamoto Taro, l'artiste. C'est la seule parole de chansons qu'on connaisse de lui. Son talent de dessinateur était reconnu par Natsumé Sôséki.
 Les Voisins Solidaires étaient une institution des civils pour soutenir la guerre. Malgré l'air joyeux de la chanson, Tonarigumi était abhorré comme le système de la délation mutuelle. Certains d'entre vous ont probablement déjà été frappés par la méfiance des Japonais envers autrui. On peut penser que c'est une réminiscence des Voisins Solidaires.
 Par exemple, ma famille vivait dans la peur, car on avait un "rouge" parmi nous. Mon grand oncle (frère de mon grand-père) n'était qu'un social-démocrate modéré, mais il dévorait la littérature prolétarienne. On dit que seule la possession de ces livres constituait un délit aux yeux de la police de l'époque.
 Personnellement, je trouve cette peur assez ridicule, parce que ma famille était la plus riche du village jusqu'à la fin de la guerre. La police n'aurait eu aucun intérêt à arrêter le frère de la personne qui payait la moitié des impôts de la commune.
 Ma famille n'est plus riche depuis la fin de la guerre. C'est les occupants américains qui ont ruiné principalement les bourgeois provinciaux comme boucs émissaires. Ils leur ont enlevé le terrain et l'ont redistribué aux petits paysans. Bien sûr que tous les manuels scolaires racontent que les Américains ont également dissolu les trusts, mais ce n'était que superficiel. La preuve est évidente si vous constatez seulement les prospérités éternelles de Mitsubishi. Tout ce que les Américains avaient besoin n'était que ces boucs émissaires provinciaux pour calmer l'esprit du peuple. Curieusement, on ne souligne jamais ce côté noir de l'histoire. C'est peut-être parce que la plupart des Japonais ont plutôt tiré du profit de la mauvaise politique de l'occupation américaine.
 Vous pouvez trouver beaucoup de documents rares de l'époque de la Deuxième Guerre mondiale sur YouTube. Les gens d'extrême-droite ont le fol enthousiasme à uploader ces choses-là que les bien-pensants font tout pour cacher, car ils ne peuvent pas admettre que presque tous les intellectules et les personnages connus soutenaient la guerre. Il n'y a pas que Okamoto Ippei, loin de là. Et ces nationalistes stupides ajoutent toujours des commentaires favorables à ces archives grotesques. Je le trouve assez marrant.
 Cependant, je ne condamne pas les écrivains et les artistes qui soutenaient la guerre, car la vie n'est pas aussi simple que cela. Tout cela est détestable, mais il arrive qu'on doive se débrouiller malgré soi dans la situation critique. Si je n'apprécie pas du tout les produits de la guerre, je comprends ceux qui l'ont fuie. Je préfère NAKANO Shigéharu, qui s'est "converti" de peur de supplices, à KOBAYASHI Takiji, le martyr de la littérature prolétarienne. Nakano, qui a choisi la survie, a été sénateur socialiste après la guerre, et il a laissé une oeuvre beaucoup plus complexe que celle de Kobayashi. Je ne suis pas là pour adorer la pureté idéologique du martyre.

2 commentaires:

Dheneb a dit…

Merci pour cet article très intéressant et aussi pour l’ensemble de votre blog qui m’aide à comprendre le Japon où j’habite.
Ces tonarigumi existent encore actuellement. Le village où j’habite (en Ibaraki) a été rattaché à une grande ville mais chaque famille fait toujours partie de nombreux groupes.
Il y a les ichimaki (一巻き) groupes de 5 familles et aussi les différents han (班) rattachés soit à la coopérative agricole (même si on n'est plus agriculteur) soit à un temple (お寺) soit à un sanctuaire (神社). Il y a des kairanban pour beaucoup de ces groupes.
J’ai remarqué qu’en dehors des réunions obligatoires auxquelles un membre de la famille est tenu d’assister, les voisins se fréquentent peu et ne s’invitent jamais. Peut-être est-ce dû à cette méfiance provenant de la délation des Voisins Solidaires comme vous en faites l’hypothèse.
Je suis aussi tout à fait d’accord avec le dernier paragraphe de votre billet. « Je ne suis pas là pour adorer la pureté idéologique du martyre. » est une opinion que je partage.

fisaxij a dit…

Merci pour ce témoignage précieux :)