lundi 12 mai 2008

La taxe gazoil

Je ne sais si vous êtes au courant, mais un des plus grands problèmes politiques en ce moment au Japon est la taxe gazoil. Elle est de 48,6 yens (environ 30 centimes d'euro) par litre, dont la moitié est qualifiée de "provisoire" depuis 1974 (!). Elle est destinée à suppléer les ressources réservées aux aménagements des voiries. Mais on sait désormais que tout n'est pas utilisé dans ce but précis. Par exemple, il y a des fonctionnaires du ministère du territoire national et des transports (traduisez "le territoire national" par "la construction") qui ont acheté des machines karaoké, des articles pour le softball, et des fauteuils de massage et payé les frais des voyages avec cette ressource pour leur récréation. L'histoire la plus dérisoire est la comédie musicale pour la promotion des travaux, montée avec cette taxe (3,5 millions d'euros!). Je ne sais si elle a eu du succès, mais le refrain d'une chanson est "Faisons la route! Faisons la route!". On cachait soigneusement que le spectacle avait été financé par la taxe gazoil.
Même si c'est un tabou, on sait bien depuis toujours que les politiciens dont le support est fondé sur la construction sont le plus grand problème dans le monde politique au Japon. Et la construction sent la mafia. La construction reste le lobby qui exerce le plus d'influence au Japon sans conteste. On se plaint beaucoup de la baisse de naissance au Japon actuellement, mais je crois que c'est une réaction normale de la population contre l'Etat qui ne voulait jamais améliorer la situation déplorable de l'éducation. Il y avait toujours quarante élèves dans une classe de l'école élémentaire jusqu'au lycée, mais les politiciens n'ont jamais voulu faire construire des écoles, car l'éducation, ça fait pas gagner! Il n'y a aucun lobby qui veuille des écoles au Japon. Maintenant, il n'y a que vingt élèves dans une classe même dans les grandes villes. C'est une chance pour les Japonais. (Mais personne ne pense comme moi au Japon.)
L'argument le plus logique est la question: Est-ce qu'on a encore besoin de nouvelles autoroutes? Le plus grand parti d'opposition, le Parti Démocrate du Japon, répond que non, et le parti au pouvoir, le Parti Libéral-Démocrate, dit que oui. La période "provisoire" a pris fin au mois de mars. Le PDJ refusant de discuter sur le renouvellement de la taxe, la loi a expiré, et le prix du gazoil a baissé à peu près de 25 yens (15 euro cents) le 1er avril. Actuellement, la majorité de la chambre haute est occupée par l'opposition, et plus de deux tiers de la chambre basse par le PLD. La loi dit que la chambre basse peut donner la validité à une décision avec deux tiers des voix, même si la chambre haute l'a refusée. C'est ce que le PLD a fait, et le gazoil a remonté jusqu'au prix précédent le 1er mai. Et le PDJ crie au scandale en parlant de la violence du nombre.
Je n'approuve pas le procédé du PLD, mais je ne suis pas moins outré par le PDJ, qui fait exprès dans le populisme primaire. C'est la constitution qui dit que deux tiers des voix de la chambre haute sont suffisants pour nier la décision de la chambre haute! Cela ne peut être une violence. (D'ailleurs, le PDJ ne propose même pas d'alternatif pour suppléer la somme manquante.) Le premier ministre Fukuda a promis que la taxe serait versée dans les ressources dites "générales" dès l'année prochaine, c'est-à-dire non pas réservées aux voiries, mais on a un grand doute sur la politique du PLD, car ils ont voté la même loi avec la validité de 10 ans. Ils ont gardé sans vergogne le nom des ressources réservées aux voiries, tout en promettant que leur emploi n'est plus spécifique... De qui se moquent-ils? Selon le sondage, 75 pour cent des personnes interrogées le trouvent contradictoire. Ouf!
Historiquement parlant, le Japon n'avait pas besoin de routes terrestres au haut moyen âge, car les transports se faisaient sur la route maritime. Depuis que les commerces avec le continent ont débuté, les Japonais se sont mis à imiter la Chine sur tous les points. (C'est probablement parce que les dirigeants étaient très souvent d'origine coréenne. Est-ce que c'est eux qui avaient une grande admiration pour leurs voisins, ou que, très futés, ils ne voulaient pas imposer leurs propres modèles aux Japonais?) On a aménagé la capitale (Kyoto) sur le modèle de Xian, et le réseau de routes centralisateur en se basant sur l'exemple chinois. Cette forte tendance à l'imitation reste une mentalité japonaise. Elle fait parti du snobisme sans doute, mais on ne peut nier qu'elle était toujours LE moteur du progrès au Japon. Les Japonais d'antan ont aménagé les voiries qui n'étaient pas vraiment nécessaires malgré les grandes difficultés, principalement pour l'émulation.
Les Japonais adorent ou imiter les nouveautés ou garder les prétendues traditions qui étaient souvent imitations à l'origine. Je crois que les premières imitations sont une des qualités japonaises, mais je ne suis pas pour l'attachement un peu ridicule et absurde aux traditions qui manquent complètement de souplesse. Même la construction des voiries suit une tradition qui n'est plus efficace, à ce qu'il me semble. Il est temps qu'on comprenne que les Japonais n'avaient pas du tout besoin de routes terrestres au début. Pourquoi pas réévaluer l'efficacité des transports maritimes au Japon? (Mais personne ne pense comme moi ha ha) Je suis assez d'accord avec Paul Virilio sur le sujet de la lenteur...

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