mardi 22 septembre 2009

Grande guerre (1. La mouche et la corne) (poème en prose de OGATA Kaménosuké)

    Depuis le début de mois de mai, il ne faisait que froid avec pluie et orage, et je passai tout le dimanche dans mon lit. Sans me laver le visage, je relus le journal d'hier, je bus le thé d'hier directement de la théière, et quelques moments après, lorsque le ciel s'assombrissait et qu'on allumait la lumière, mon col et mes genoux eurent un petit froid, et je sentis quelque chose comme une ombre terne, j'eus envie d'uriner à nouveau, mais je restai assis à jamais comme si j'étais trop fainéant pour me lever. Ce n'est pas la mouche dans les toilettes qui me reprocherait (même la mouche dans les cabinets est au courant que la grande guerre s'est éclatée), mais j'avais un peu honte d'être au lit toute la journée, et je sortis dans le jardin pour satisfaire le petit besoin.
    Le ciel à l'ouest était clair et transparent dans la verdure fraîche du jardin, il me sembla que quelque chose comme une abeille volait encore par là, et que les fleurs de pissenlit flottaient sur l'herbe. « Souffle dans la corne ! » C'est maintenant qu'il faut qu'elle retentisse du loin, du ciel clair et transparent de l'ouest ! Mais elle ne sonna pas pour moi qui bombais la poitrine, et le cheval ailé ne vint pas pour m'accueillir, moi qui ne mettais même pas de ceinture.

Septembre 1942

OGATA Kaménosuké est un poète maudit japonais (1900-1942).


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